Portrait Goya est un personnage unique, à l?image même de ses peintures. Le film est à l?image de ses tableaux. L?institut Cervantès (Centre culturel espagnol d?Alger) abrite, depuis lundi et ce, jusqu?à jeudi, les journées de la cinématographie espagnole contemporaine. La première session du film espagnol a été inaugurée par la projection du film Goya en Burdeos du réalisateur espagnol Carlos Saura. Produit en 1999, ce film évoque les dernières années de la vie du célèbre peintre espagnol Francisco de Goya passées en exil à Bordeaux (France). Goya, âgé de 82 ans, raconte à sa fille Rosaria les faits les plus marquants de sa vie. Une vie dans laquelle se succèdent lumières et ombres. A travers ces souvenirs, apparaît un Goya jeune et ambitieux qui mène une lutte incessante ? et courageuse ? pour s?imposer à la cour d?Espagne. Par la ruse et l?art de la séduction, par le mensonge et le sentiment de vouloir être, il parvient à connaître la célébrité et la fortune. D?un bout à l?autre du film, la caméra du cinéaste s?est baladée entre le passé et le présent, entre les mondes de la réalité et des rêves, entre les lumières et les ombres. Ce qui donne au film un accent pertinent et distinctif. Il l?ancre dans une situation faite d?antagonisme tant dans les sentiments que dans les couleurs. Le film, se déroulant en spirale, est à l?image même de Goya. Il raconte un personnage doté d?une sensibilité pénétrante et d?un sens de l?observation aigu, les deux lui ont favorablement permis de percevoir sans équivoque et de dessiner dans un réalisme saisissant les souffrances du simple citoyen. Ce malaise et cette désolation se traduisent sensiblement à travers toute l?expression picturale de Goya. Il y a, en effet, la reproduction concrète d?une existence éprouvée, marquée par les vicissitudes de l?humanité, par les conflits et les inégalités, par les ambitions politiques et les aspirations individuelles. Les tableaux de Goya traduisent la douleur ; ils expriment les souffrances et les effrois de ce dernier. Le réalisateur Carlos Saura a su, sans défaut, transposer dans son film l?imaginaire de Goya, un imaginaire fortement expressif, voire expressionniste ; il a su mettre en relief cette réalité que l?on retrouve dans ses peintures et qui est à l?image de Goya, un personnage, lui aussi, tourmenté et souffrant. L?atmosphère que développe le film est particulièrement obscure, opaque et lugubre. Il y a de forts soupçons de morbidité qui accentuent les faits dans une plasticité cinématographique extraordinaire. Ces caractéristiques sont spécifiques à la vision que le peintre formule de son vécu et de tout ce qui se rattache à son histoire. Le film Goya en Burdeos ne se présente pas dans une succession chronologique de faits. Le réalisateur présente des scènes n?ayant les unes avec les autres aucun lien relationnel, que l?on peut prendre chacune à part et examiner dans une situation autonome. Le réalisateur a conçu les scènes comme des tableaux indépendants les uns des autres, de la même manière que le peintre pour présenter le monde dans son univers pictural. Le film est pensé comme un tableau dans un tableau. Le réalisateur a puisé dans la peinture de Goya les éléments nécessaires pour réaliser son film. Goya en Burdeos est une belle peinture cinématographique réalisée dans une plasticité soignée et d?une extrême lucidité, à croire que le réalisateur est motivé d?une sensibilité comparable à celle qui distinguait Francisco de Goya. En fait, l?on a l?étrange impression que c?est Francisco de Goya qui a réalisé le film.