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Histoires vraies
La vie au bout du fil (2e partie)
Publié dans Info Soir le 29 - 11 - 2004

Résumé de la 1re partie Jeanne, 24 ans, est seule. Elle a beaucoup d?argent mais elle déprime et décide de se suicider.
Claude pense d'abord à une blague, une mauvaise blague, mais pas longtemps. Il a peur très vite. Peur de ce ton monocorde qui dit des choses désespérantes et désespérées. Ce coup de téléphone est incroyable et tellement insolite dans la rumeur de cette fin d'après-midi américaine.
Puis Claude réagit. Après avoir bafouillé des questions stupides du genre : «Mais pourquoi as-tu fait ça, mais comment, est-ce qu'il y a quelqu'un avec toi ?», il réfléchit à toute vitesse. S'il raccroche pour prévenir quelqu'un, c'est la catastrophe. D'ailleurs, prévenir qui ? Claude n'a pas en tête les numéros de téléphone de ses amis français, et puis ils ne comprendraient rien, ce serait long, ils ne connaissent pas Jeanne.
Or il s'agit peut-être d'une question de minutes. Où en est-elle de sa tentative, depuis combien de temps a commencé l'hémorragie ? Jeanne ne dit rien de précis, elle bafouille, elle pleure un peu, raconte sa vie par bribes.
Claude attrape un autre téléphone sur le bureau voisin et appelle la première personne qui lui vient à l'esprit : son patron, Neal Henry. Son bureau est à l'étage supérieur. Neal Henry entend : «Descendez tout de suite, j'ai un problème épouvantable, dépêchez-vous...»
Il descend aussitôt et Claude tente de lui expliquer la situation, mais c'est difficile de parler à Jeanne en français et d'expliquer à Neal en anglais. Alors, il prend un bout de papier et écrit tous les renseignements qu'il peut, en style télégraphique : «Elle s?appelle Jeanne V..., française, téléphone de Paris, s'est ouvert les veines. Toute seule. Sais pas quoi faire? Aidez-moi...»
Neal écrit à son tour : «Demandez l'adresse, il faut prévenir la police !»
Il est minuit quarante-cinq à Paris. Jeanne s'affaiblit lentement mais sûrement. Et elle ne comprend pas ce que lui demande Claude. Où elle habite ? Quelle importance, il ne connaît pas, c'est nouveau. Claude met cinq minutes à lui arracher le nom de la rue et le numéro. Enfin, il l'inscrit comme une victoire sur le bloc de papier. Et Neal Henry, en face de lui, décroche un autre téléphone et appelle la police de New York. Il va tenter l'impossible, expliquer que quelqu'un se suicide à Paris et qu'il faut envoyer du secours. On va peut-être le prendre pour un fou ou un mauvais plaisant, mais c'est la seule idée qui lui vient.
Tout dépend de la réaction du policier, de son caractère, de sa compréhension, de sa rapidité.
Le policier s'appelle Gordon, il écoute avec attention. Il ne prend pas Neal pour un fou. Il comprend tout assez vite et note l'adresse, puis il conseille : que Claude continue de parler, sans arrêt, pour ne pas perdre la ligne, pour ne pas que la jeune fille s'évanouisse. Il faut lui raconter n'importe quoi pour la tenir éveillée. Lui, Gordon, va s'occuper du reste, que Neal reste en ligne, il le tiendra au courant.
18h 55 à New York, minuit cinquante-cinq à Paris. La vie de Jeanne est suspendue à une ligne téléphonique qui fait le tour de la Terre par satellite et rebondit à New York comme une petite balle dans l'immense univers. (à suivre...)


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