Un voyageur somnolait dans le compartiment du train qui l?emmenait d?Alger à Constantine. Le cahotement du wagon le berçait et une brise fraîche qui entrait par la vitre lui caressait doucement le visage. Sur le siège qui lui faisait face, sa femme et sa fille étaient, elles aussi, gagnées par le sommeil. Cela faisait déjà plusieurs heures que le train roulait. Un calme de sieste et une douce torpeur régnaient sur tous les compartiments. Les voyageurs, qui n?étaient pas endormis, discutaient à voix basse. Soudain, un bruit et un cri de douleur brisèrent le silence. Ils furent suivis de longs cris d?horreur et d?épouvante. Quelqu?un tira la sonnette d?alarme et le train s?immobilisa dans un long crissement métallique. L?homme qui somnolait paisiblement avait le visage en sang et était agité de soubresauts. Son ?il droit pendait hors de son orbite. Il venait de recevoir une grosse pierre sur la tempe par la vitre ouverte. Pendant que l?on s?occupait du blessé, des voyageurs et des gendarmes sortirent du train. Des adolescents s?enfuyaient, c?étaient eux qui avaient jeté des pierres contre le train. Ils ne furent pas rattrapés. Le train repartit à toute vitesse. Il ne fallait pas perdre de temps. L?homme touché par la pierre se trouvait dans un état très grave. Il était tombé dans une sorte de coma. Sa femme et sa fille étaient en état de choc et n?arrêtaient pas de hurler. L?homme fut évacué à la gare suivante vers l?hôpital le plus proche. Son état inspirait de vives inquiétudes. Les gendarmes du train firent leur rapport à leurs collègues du village et ceux-ci se rendirent immédiatement à l?endroit de l?attaque pour essayer d?en retrouver les auteurs. Les voyageurs horrifiés par ce qu?ils venaient de vivre, apprirent par le contrôleur que ce n?était pas la première fois que ce genre d?ignoble agression se produisait. Plusieurs voyageurs avaient été gravement blessés, toujours au visage ou à la tête. Des enfants et même des adultes lançaient de grosses pierres contre le train qui passait. Ces gestes sadiques et gratuits étaient toujours restés impunis, même lorsqu?il y a eu mort d?homme. Aussi est-il recommandé, quand on voyage par train, de ne jamais ouvrir la vitre.