Images En cette deuxième semaine de janvier, les étals des marchés d?Alger croulent sous les chocolats, les bonbons et les confiseries orientales, comme la halvaturk (halwat tturk) et les loukoums (halqouma). Pourtant, le jour de l?an est passé ! Le jour de l?an grégorien oui, mais pas celui de l?an «algérien». «C?est nnayer, dit une vieille femme, c?est le ras al?aâm ta?âa la?ârab (le jour de l?an des Arabes).» Un client rectifie : «C?est le jour de l?an berbère, asegags imazighen !» Le marchand, en souriant, rectifie : «Ras al?âm dyalna !» C?est notre jour de l?an, le jour de l?an algérien ! En fait, il faut dire que le jour de l?an maghrébin se fête dans la joie? et la bombance! On achète non seulement des douceurs, le fameux triz ou driz, composé de bonbons, chocolats, fruits secs, mais aussi du poulet, si possible vivant pour qu?on puisse le sacrifier chez soi. «Ssayel eddem irruh elhem», dit le proverbe algérois (fais couler du sang et tu feras partir les malheurs) ! On croit, en effet, qu?en sacrifiant un poulet, le premier jour de l?an, on se concilie les bons esprits et on en éloigne les mauvais. On attire aussi la bénédiction sur les hommes et on fertilise la terre. Le souper de nnayer se prépare toujours la veille. Un poulet que l?on a égorgé ou que l?on a acheté chez le marchand de volailles, du couscous ou du berkukess (couscous à gros grains) ou de la rechta (pâte algérienne découpée en lanières que l?on fait cuire à la vapeur)... L?une des règles de nnayer est de manger à sa faim, comme ça, dit-on, on sera rassasié pour le reste de l?année ! A Alger, on appelle aussi Yennayer «laâdjuza» (la vieille) par référence au mythe. En Kabylie, Yennayer a toujours été fêté avec enthousiasme. Ici, le jour de l?an est appelé tibbura useggas (les portes de l?année), parce qu?il commence l?année. Il est de tradition de nettoyer à fond la maison. Autrefois, on changeait aussi les trois pierres du foyer ? iniyen ? et on passait la maison à la chaux. C?est pour commencer la nouvelle année dans la joie et augurer une bonne récolte. On égorge des poulets, qu?on a souvent engraissés toute l?année, et on les prépare avec du couscous. On met beaucoup de légumes nouveaux dans la sauce : des fèves (ivawen), de la carde d?artichaut (taga) et surtout des cardons (taghediwt). On prépare aussi des crêpes, du pain levé et des pâtisseries à base d??ufs et de levure : le symbole de la levure est transféré sur la terre que l?on veut voir «enfler» de cultures. A l?inverse, on évite les plats trop salés ou piquants pour que l?année ne cause pas de torts. On mange des sucreries, des fruits secs (dattes, figues sèches, noix) symboles de douceur et de bonheur. Ici aussi, le principe est de manger à sa faim pour ne pas avoir faim le reste de l?année !