Suite à un accident de voiture, une jeune femme de vingt ans est gardée en observation. Dans la salle d'attente, ses camarades se plaignent de n'avoir pas eu de ses nouvelles depuis près de deux heures. Explications d'une infirmière : «Bien que la garde soit relativement calme ce soir, nous n'avons pas eu le temps d'aller voir ces personnes. Compte tenu de nos effectifs réduits, les soins passent avant tout.» Un médecin, un interne, une étudiante et une infirmière assurent la garde de nuit. «Je me souviens que cette nuit-là, à 1h du matin, nous avions déjà vu défiler 68 personnes. C'était la folie ! Des patients sortaient avec la signature de l'interne alors que la décision devait être prise par le médecin», témoigne l'interne, qui poursuit : «Les médecins, en congé, ont été remplacés au pied levé, mais les patients, eux, ne partent pas en congé.» Dans l?hôpital, les professionnels de l'urgence font le même constat : à force de tirer sur la corde, de gérer l'hôpital public comme un vulgaire fonds de commerce, le navire va finir par sombrer dans une logique nuisible aux médecins et aux malades. «La situation devient insupportable» ; «Certains week-ends, c'est l'enfer !» ; «Le manque de moyens est préjudiciable à la sécurité des patients.» Pour peu que l'on prête une oreille attentive, les appels au secours des médecins urgentistes, infirmières et aides-soignantes de l?hôpital abondent. «Il y a quelques semaines, j'ai dû assurer, seule la garde de nuit du service», témoigne un médecin. La surveillante acquiesce : «Certains soirs, on n?en peut plus. Nous sommes de plus en plus souvent confrontés à des comportements agressifs et il arrive qu'on surveille seuls l'ensemble de l'hôpital. Dans les unités de soins, les infirmières isolées nous appellent souvent pour les soutenir.»