InfoSoir : En dépit des efforts du ministère pour réformer le secteur et de l'importante enveloppe financière (3 milliards de dinars) allouée, le prix du poisson demeure inaccessible aux citoyens? Mme Khazem : Plusieurs facteurs expliqueraient cette triste réalité. D'abord, il faut savoir qu'en matière de moyens de production, le secteur souffre de la vétusté de la flotte qui accuse pas moins de 25 ans d'âge. Tout le défi des responsables du secteur est de parvenir à renouveler cette flottille, mais aussi d'acquérir les bateaux de plus de 25 m pour aller enfin vers la pêche hauturière (au large, dont les eaux regorgent de ressources puisqu'il s'agit de pas moins de 3,5 milliards d'hectares des eaux). Ensuite, pour ce faire justement, nous nous attelons à perfectionner les professionnels du secteur (marins pêcheurs et armateurs) dont l'activité pour l'heure se résume à la pêche côtière, non seulement artisanale, mais aux perspectives limitées dues à la saturation de nos côtes et au risque de surexploitation. Concernant les charges, elles sont trop lourdes et se répercutent sur le prix des produits : la cherté du gasoil, pour ne citer que cet exemple, dont nous proposons de baisser le prix en tentant de convaincre qu'il soit l'objet d'exonération au profit des pêcheurs. Enfin, bien entendu, il s'agit pour nous de remédier à l'anarchie et aux pratiques frauduleuses qui règnent au niveau des circuits de commercialisation. Car il n'est pas normal, en effet, que le produit soit proposé au consommateur en 4e main, alors que le circuit devait se résumer à l'activité de deux intervenants : le mandataire au nombre défini et le détaillant dont la marge bénéficiaire n'est pas moins identifiée. Toute augmentation à partir de là serait exceptionnellement due à des circonstances, dont la dure période hivernale actuelle qui s'est répercutée sur le nombre de sorties en mer, donc sur le niveau de production. Quelles mesures concrètes et immédiates contre ces pratiques spéculatives ? Nous nous attellerons à faire adopter un texte portant organisation du circuit de commercialisation et veiller à son application. Mais ce ne serait qu'une mesure qui demeurerait sans efficacité durable sans l'aboutissement global de la réforme du secteur qui va de la rénovation de la flotte, à l'aménagement et au réaménagement des infrastructures portuaires, en passant par la prise en charge statutaire du marin pêcheur et sa formation pour la pêche hauturière. Sans cela, ce ne sont pas moins de 500 000 t de production potentielle dont nous serons privés alors qu'actuellement c'est à peine le 1/5 de ces capacités que nous exploitons ! (*) Directrice de la Direction de la pêche et des ressources halieutiques (DPRH)