Qui, au cours de sa vie, n?a pas entendu cette expression, salem, ghanem ? C?est surtout quand on doit faire un déplacement lointain qu?on entend les femmes, la mère, la grand-mère, l?épouse ou la s?ur, la prononcer, sur un ton solennel ou pathétique. Les deux mots, salem et ghanem, ont, aujourd?hui, dans la langue populaire, le sens de «sain et sauf» et on les emploie souvent dans la formule, rruh? salem, welli ghanem, ou, dans une formule abrégée : salem, ghanem, (va et reviens-nous sain et sauf». A l?origine, les deux mots avaient un sens plus particulier, notamment ghanem. Salem, c?est entier, épargné par le mal (autrement dit, pour celui qui part : reviens entier, et non blessé, estropié ou même mort) et ghanem, apportant un butin. L?expression était, en effet rattachée aux campagnes et aux pillages que l?on faisait sur les territoires ennemis. Autrefois, quand on quittait son pays, ce n?était pas pour faire du tourisme mais pour guerroyer, pour croiser le fer avec l?ennemi. Rien de plus normal, à l?époque, quand l?ennemi était vaincu, de s?emparer de ses biens : le prise de butin, elghanima, était une pratique universelle ! Le temps des razzias est aujourd?hui révolu (bien que des pillages se produisent encore au cours des conflits), mais l?expression salem, ghanem est restée. On est quand même tenté de dire que l?esprit du butin est resté, quand on voit les voyageurs revenant de l?étranger, pousser devant eux des chariots chargés de valises, de sacs et de cabas : ne serait-ce pas le fruit de «razzias» effectuées en territoires ? autrefois ennemis : l?Espagne, l?Italie, la France ? A la différence cependant que le butin ramené n?a pas été arraché, après une victoire sur un champ de bataille, mais acheté en monnaie sonnante et trébuchante, dans de grandes surfaces. Et loin d?être lésé, le «vaincu», le pillé, le razzié, a plutôt fait de bonnes affaires. Autres temps, autres m?urs? et surtout autre conception du butin !