Résumé de la 6e partie Le 5 octobre, c?est dans un silence religieux que le public voit s?avancer à la barre l?expert mandaté par le tribunal. L?avocat général développe pendant trois heures trente une argumentation rigoureuse, pour démontrer la culpabilité des accusés. «Il y a des certitudes, dit-il. Comme par hasard, la 205 rouge est à leur campement quand ils y sont ; comme par hasard, elle n'y est plus quand ils s'absentent. Tous les témoins, Nadine, les T., les clients, le pompiste, ont vu les tueurs violeurs : un grand, un moyen et un gros avec moustache. Nadine a reconnu le pantalon de Maurice et la voix de Denis. Et puis, il y a la cassette qui se trouvait dans la 205 quand elle a été volée et qu'on a retrouvée chez Denis. Ils sont bien les occupants de la 205 rouge !» Et l'avocat général en vient à ses réquisitions, qui sont conformes à ce qu'on attendait. «Ils ont tué de sang-froid Bernard T. pour quelques centaines de francs. Ils ont violé Nadine pendant plus de deux heures. Leurs mensonges et leurs contrevérités les accablent. Ils ne méritent aucune circonstance atténuante. Je vous demande de les condamner à la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de trente ans.» La tâche de la défense, qui plaide l'innocence absolue et réclame l'acquittement, est devenue fort délicate depuis l?effondrement de la piste des «légionnaires» et les conclusions de l'expertise automobile. Le premier avocat en convient. «Ce ne sont peut-être pas les légionnaires : eh bien, écartons-les ! Mais cela ne prouve pas que ces trois-là soient coupables... Les policiers sans malice ont choisi une voie au départ : celle des Gitans. C'est vrai qu'ils font des coupables présentables, mais on ne peut pas faire de coupables possibles des coupables certains.» Le défenseur de Denis s'en prend à la valeur des témoignages : «L'accusation est fragile, car fondée essentiellement sur des témoignages. Or, toutes les erreurs judiciaires sont bâties sur des témoignages humains.» Pour mettre en garde contre l'erreur judiciaire, la défense tire argument de la rumeur de Calais, qui se déroule au même moment. «A Calais, dit-il, c'est la rumeur qui a fabriqué un assassin alors qu'il n'y avait même pas de cadavre. Ici, c'est un postulat !» La défense s'en prend aussi à l'instruction : «Ce sont des témoignages sollicités, extorqués, erronés, que l'accusation a montés, comme un monteur de cinéma, pour raconter, à partir de fausses vraisemblances, une histoire.» La défense insiste, en outre, sur un point sensible : l'absence apparente de mobile. «Pourquoi des garçons au compte en banque bien rempli pour certains se sont-ils transformés en meurtriers pour rafler 1 000 francs dans une baraque à frites ? Pourquoi des pères de famille roulant vers les vacances avec leurs épouses et leurs enfants se sont-ils mués en violeurs, ce qui va à l'encontre de toute la tradition gitane ?» Et il conclut : «L'intime conviction est une notion dangereuse. Préférez-lui la certitude au moment de juger. La certitude à en mettre votre main au feu !» Les jurés se retirent pour délibérer vers 17h 30. Ils reviennent trois heures plus tard avec leur verdict. Ils n'ont suivi ni le procureur général ni les avocats, puisqu'ils ont reconnu les accusés coupables, mais avec circonstances atténuantes. En conséquence, Denis, jugé coupable du meurtre de Bernard, est condamné à vingt ans de prison, avec une peine de sûreté des deux tiers. Jacob et Maurice, coupables de tous les chefs d'accusation sauf du meurtre, se voient infliger dix-huit ans, avec également une peine de sûreté des deux tiers.