On le connaît pour ses sketchs hilarants on le découvre conteur et auteur humaniste à la verve simple et parfois caustique pour marquer sa différence. L?air badin avec juste une pointe de tristesse qui mêle le tragique au comique à la manière des monstres sacrés du burlesque, Aziz Degga, en plus d?être un saltimbanque débonnaire à l?esprit échappé aux prismes des préjugés et des idées établies, est un artiste complet, iconoclaste qui se fiche pas mal de ceux qui sont bien assis sur leurs convictions anachroniques et surannées et qui ne comprennent pas que seule l?originalité est à même de bouleverser les choses. Il a gardé son âme d?enfant et il appelle à ce que tout le monde en fasse autant. C?est la meilleure façon de se réconcilier avec le rêve que l?adulte perd au fur et à mesure qu?il avance dans l?âge. Sans le rêve c?est l?aridité spirituelle et intellectuelle, c?est le gouffre noir car la réalité chez nous a dépassé la fiction. Une réalité amère où l?homme est réduit à se laisser mourir à petit feu quand ce n?est pas la folie ou le suicide qui le guettent. L?humoriste, qui allie hilarité et délire, incarne Peter Pan dans sa quête de l?éternelle jeunesse. Il s?interdit d?abdiquer face au temps. Son bonheur, jamais altéré, il le trouve auprès des enfants. Blasé par le monde des adultes où il a du mal à situer ses repères car ce monde est malsain et vicié. Il garde néanmoins le réflexe de survie. C?est son innocence à lui qu?il recouvre lors de ses conversations complices avec sa fille âgée de quatre ans. La décennie écoulée a été éprouvante pour la plupart des Algériens notamment pour l?élite de la société qui a payé un lourd tribut. Si certains ont choisi l?exil, lui a préféré résister à sa façon en puisant sa force dans celle des enfants. «Les enfants algériens doivent retrouver le sourire. On leur a confisqué leur droit de vivre pleinement leur enfance», dit-il désolé. A ce propos il met un point d?honneur à susciter en eux l?envie de s?amuser et de croquer la vie à pleines dents et ce à travers ses contes à la fois éducatifs et divertissants. Il en a huit à son actif, qui sont en cours d?édition. Aziz Degga s?est imposé sur la scène artistique grâce à son humour décapant ses imitations délirantes et sa bonhomie débordante. Cependant il cache mal une sensibilité exacerbée et parfois du dépit surtout quand il évoque les coups bas, la médiocrité et le vice dans les rapports humains mais aussi l?incurie ambiante dans le domaine culturel. «Je préfère tirer ma révérence par rapport à cela pour me consacrer aux enfants. C?est la relève . Elle est à l?état brut et elle a besoin d?être défrichée et c?est à nous de faire en sorte qu?elle soit florissante.» Son aventure avec la prime jeunesse a commencé en 1995 quand il crée à Aïn Benian le Cinéma Club Baba Sido, une acception désignant un cinéma loufoque où on s?amuse sans trop se prendre au sérieux et où l?image du grand-père renvoie à celle du patriarche qui veille sur les jeunes générations. Le club aura officiellement, selon son cahier des charges, la mission de «rechercher, d?étudier et de mettre en place les moyens d?action pour une animation plurielle en direction des jeunes enfants. Il sera question de mettre en place le montage, l?exploitation de tous les spectacles pour les jeunes enfants à travers les crèches, les écoles, les colonies de vacances, etc.» Aziz Degga puise son inspiration de sa propre enfance en plus de celles des autres. Issu d'une famille nombreuse, ce fils de docker a connu une vie paisible. Même s'il n'a pas vécu dans l'opulence, cela ne l?a pas empêché de connaître un bonheur immense auprès d?une mère cajoleuse et d?un père bon vivant. D?ailleurs des comiques désopilants, il y en aura dans la famille. Son frère Nassredine suivra le même chemin et brillera, lui aussi, par des imitations et des blagues qui en feront rire plus d?un.