Résumé de la 2e partie Il est un peu moins de 8 heures lorsque Renaud pénètre dans les locaux de l'hebdomadaire. Il jette le seau d?essence au visage de son rival et allume son briquet. Renaud ne dit pas son nom, mais avant de raccrocher, il donne son numéro de téléphone, ce qui permet à ses interlocuteurs de l'identifier assez rapidement. C'est ainsi qu'à 10h 30 du matin, les policiers et les pompiers encerclent l'immeuble triste et sombre du quartier populaire où habite Renaud. Il ne leur faut pas longtemps pour constater que ses menaces n'étaient pas vaines : il est sur le toit, adossé à une cheminée, prêt à se jeter dans le vide. D'en bas, des appels s'élèvent pour l'empêcher de commettre l'irréparable : «Ne faites pas de bêtise. Restez calme. Nous arrivons...» Renaud les écoute un bon moment sans réaction apparente. Puis, au bout d'une dizaine de minutes, à 10h 40, il s?approche du bord et, sans une hésitation, sans un cri, il se jette de vingt mètres de haut. Cette histoire dramatique connaît alors sa plus extraordinaire péripétie : Renaud ne meurt pas de sa terrible chute ! L'état dans lequel il se trouve est affreux. Il est tombé face contre terre et son visage a été complètement écrasé. Il a de multiples fractures, tant aux jambes qu'aux bras, et un grave traumatisme crânien, mais il est vivant... Pour le sauver, les médecins du centre hospitalier utilisent les grands moyens. Renaud est d'abord cinq jours en coma artificiel, pour le préparer à l'opération. Celle-ci est un succès, du moins sur le plan strictement chirurgical. Début août 1992, Renaud est définitivement hors de danger, mais dans quel état ! Il est aveugle et aucune autre opération, aucun traitement, ne pourra jamais lui rendre la vue. Il est handicapé moteur à vie. Et, surtout, il a perdu l'esprit. Il est amnésique. Celui qui fut un homme jeune, beau et intelligent n'est plus qu'une loque affreuse à voir et incapable de communiquer avec quiconque. Car les médecins, les psychiatres en particulier, ont beau se relayer à son chevet, ils ne peuvent tirer de lui que des mots inintelligibles. En particulier, il n'a absolument aucun souvenir de l'épouvantable drame dont il est l'auteur. Le juge d'instruction se présente à son tour au chevet de Renaud mais, dans l'impossibilité de l'interroger, il doit renoncer à l'inculper. Ce crime hors du commun débouche donc sur un cas juridique sans précédent. Médicalement, Renaud est guéri, malgré l'état effrayant qui est le sien. L'hôpital va donc le laisser partir. Il n'est pas question de le placer dans un hôpital psychiatrique, car, s'il a perdu la mémoire, il n'est pas fou. Il n'est pas question non plus de l'incarcérer, puisqu'il n'est pas inculpé. Aux yeux de la justice, il n'a rien fait et, en théorie, il doit rester libre. C'est un cas unique à ce jour. Si la justice en décide ainsi, l'affreux double crime restera donc peut-être à jamais impuni. Ce qui ne veut pas dire que Renaud ne l'aura pas payé. Car on aurait du mal à imaginer une sanction plus atroce que celle qu'il s'est lui-même infligée. Privé à jamais de la vue et de la possibilité de se mouvoir, il garde, par malheur pour lui, sa conscience, mais pas sa mémoire. Il ne sait pas pourquoi il se trouve dans cet horrible état ni sans doute même qui il est.