Théâtre La générale de Dik el mazabil, une nouvelle pièce du jeune réalisateur Aïssa Djekati, a été donnée mercredi au Théâtre national algérien (TNA). Le décor est planté : une décharge publique. Un tas d?ordures sont éparpillées, offrant un lieu triste, déplaisant et chaotique. En toile de fond, de loin, une vue sur la ville ; celle-ci apparaît la nuit, sous un ciel étoilé et poussiéreux. Un homme, seul, c?est un clochard ; il entre d?emblée dans un monologue : il tient un langage réfléchi en arabe littéraire. Se situant entre la raison et la folie, à la frontière de deux mondes, celui du rêve et du vécu, il parle, rêve et fantasme ; il se crée des situations, s?imagine des mondes, autrement, tantôt le même, tantôt l?autre. Il semble avoir perdu la raison, le sens de la réalité, mais il dit la poésie, il philosophe? Plus tard, un autre personnage, sans nom, comme le premier, entre en scène : c?est un homme blessé au genou, armé, l?air menaçant, désespéré, s?apprêtant à mettre fin à ses jours lorsque le «gardien» de la décharge, comme il le prétend lui-même, intervient pour le détourner de son geste suicidaire. L?on change de style, de langage. Les deux protagonistes entrent dans un dialogue ; cette fois en arabe dialectal. L?on assiste à un échange de confidences et de sentiments; chacun raconte son histoire, sa vie, son passé sans que la confiance s?installe entre eux. Par moments, la tension monte. Mais en dépit de leur caractère antagoniste et de leur personnalité charismatique, les deux hommes, qui ne se connaissent pas, s?avèrent quasiment identiques, partageant ainsi les mêmes expériences de la vie : peine et douleur, échec et trahison. D?où le rapprochement de l?un avec l?autre. La pièce raconte une rencontre, un échange, des expériences souvent douloureuses ; une existence éprouvée, des hommes malmenés, violentés. La pièce raconte l'histoire d'un vieil homme (Hider Ben Hussein) et d'un jeune (Ahmed Aggoune), poussés par la pauvreté à fréquenter une décharge hors de la ville, où le hasard les réunit. Le vieil homme fera tout pour convaincre le jeune homme de renoncer à son idée de se suicider, mais finit lui-même par le faire. La pièce raconte, en fait, l?homme, sa condition et son rapport avec autrui. Elle met en exergue l?aspect négatif de l?humanité : guerre, trahison, escroquerie? Le jeu entre les deux personnages, est plaisant, ancré dans une dynamique qui met l?accent sur l?émotion et la réflexion ; il suscite l?attention du public et l?invite à participer à réfléchir sur le déroulement de la pièce et à s?interroger sur l?essence même de son contenu. Le jeu est alerte, fluide et léger de manière à garder le public en éveil. Cette pièce, qui sera présentée ce soir et vendredi à 19h, s?inscrit dans le cadre de la stratégie du Théâtre national visant à encourager les jeunes à accorder davantage d'intérêt à la culture et au théâtre en particulier.