Le président du Turkménistan, cette ancienne République soviétique d'Asie centrale, avait manifesté son dédain à l'égard des dents en or, très prisées dans cette partie du monde. Résultat : les étudiants de l'université d'agriculture, devant lesquels il s'était exprimé, durent le lendemain montrer leur denture à leurs enseignants et faire remplacer leurs couronnes en or par des couronnes blanches. L'anecdote, relatée dans le dernier rapport d'Amnesty International sur les violations des droits de l'homme au Turkménistan, peut prêter à sourire. Elle illustre l'ampleur du culte de la personnalité que le président à vie Saparmourad Niazov a imposé à son pays, considéré par le Parlement européen comme «une des pires dictatures au monde». La connaissance du Rukhnama, ou Livre de l'âme, écrit par le président, est obligatoire pour l'accès à l'université et cohabite avec le Coran dans les mosquées. Les fonctionnaires doivent pouvoir en réciter par c?ur des passages, tout comme les prisonniers, sous peine de punitions en cas d'oubli. La répression, quasi systématique dans ce pays, s'est accentuée depuis une mystérieuse tentative d'attentat contre le président Niazov en novembre 2002 à la suite de laquelle 59 personnes ont été condamnées à des peines allant de cinq ans de prison à la perpétuité. Plusieurs personnes ont été torturées, et «au moins deux» seraient mortes à la suite de mauvais traitements. Les révolutions en Géorgie, en 2003, et en Ukraine, en 2004, ont été suivies d'un nouveau tour de vis à l'égard de la société civile. De nombreuses figures, harcelées ou détenues, ont été poussées à l'exil.