Rares sont ceux qui leur donnent leur vraie appellation de ralentisseurs ; le nom consacré, bien qu?impropre, est «dos d?âne». En fait, ils sont tout ce que l?on veut, sauf ces deux choses. Ce sont des butoirs, des arrêtoirs, des heurtoirs, des murailles, des massacre-voitures. Ils ont commencé à faire leur apparition au début des années 1980. Ils étaient censés pallier au non-respect des limitations de vitesse en zones urbaines, notamment aux abords des cités d?habitation et des écoles. Les ralentisseurs étaient soumis aux règles universelles en vigueur. Ils ne devaient pas gêner la fluidité de la circulation, leur usage devait se limiter à des endroits bien déterminés, ils ne devaient pas occasionner de dégâts ni même être ressentis par les véhicules roulant à moins de 60 km/h. Ils devaient être étudiés de façon à ne pas heurter le véhicule et à ne pas en secouer les occupants. Mais toutes ces normes allaient être balayées. L?usage des «dos d?âne» allait être généralisé. Parfois dans des endroits où il n?y avait même pas de circulation automobile importante. Toute le monde voulait «son» dos d?âne. Des pétitions de quartiers circulaient pour demander aux maires de doter les rues de ralentisseurs. On connaît même le cas d?un habitant vivant en rase campagne, riverain de la rocade Tiaret-M?sila, qui a réalisé en une nuit son propre dos d?âne, en pleine route nationale, pour que ses enfants puissent traverser avec leur troupeau de moutons sans risque d?être écrasés par les chauffards qui ne ralentissaient pas aux abords de sa maison. Il avait construit sur la route une espèce de gros boyau de quarante centimères de hauteur, qui a failli provoquer de graves accidents. Ce citoyen cria à la hogra lorsque la municipalité vint démanteler ce mur qu?il avait érigé sur une route nationale. Les autres dos d?âne qui poussaient comme des champignons un peu partout ne valaient guère mieux. Ces terribles heurtoirs qui étaient rarement signalés, pratiquement invisibles la nuit, ont provoqué de très graves accidents, parfois mortels. Les dégâts matériels sont innombrables. Aujourd?hui, signe des temps, ces casse-autos sont détruits à chaque fois qu?une visite présidentielle était prévue et reconstruits juste après, encore plus abrupts que jamais.