Le 7 février 2005, pour la seconde fois en deux ans, Tribou sortait de l?anonymat, ses habitants ayant décidé de se faire entendre dans l?espoir qu?il soit mis fin à leur quotidien fait de peur et de mal vie. Peur de voir, à tout moment, leur toit précaire leur tomber sur la tête dans un semblant d?habitations où le minimum d?hygiène et de dignité n?est pas garanti. Cette bourgade abritait pourtant le quartier général du chahid Ali Khoudja qui venait assister aux réunions secrètes qu?organisaient les moudjahidine dans une infirmerie qui faisait office de transit pour les blessés. Elle fut détruite par l?armée coloniale en 1958, témoignent les sages du quartier. «C?est un lieu historique et révolutionnaire qui devrait être réhabilité», clament-ils. Les habitations ne peuvent être classées ni dans la catégorie des villas ni dans celle des appartements. Ce sont des taudis, c?est-à-dire des logements misérables et malpropres que les citoyens considèrent comme des abris et non des habitations. En fait, ce ne sont même pas des abris, puisque l?on ne peut se protéger ni de la pluie, ni du danger, «ni même du malheur», racontent des anciens du quartier. De l?intérieur, ce baraquement, non affranchi de la misère et de la crainte, semble former un véritable labyrinthe. Les familles y occupent des espaces formant un puzzle. Pour passer d?une habitation à une autre, il suffit seulement de traverser un étroit chemin de un à deux mètres de long. La promiscuité est reine dans ce lieu repoussant. La peur du danger imminent se lit dans tous les regards, notamment ceux des mères torturées par la crainte de perdre à tout moment leur progéniture. C?est qu?une légère secousse tellurique suffirait pour engloutir ce quartier dans l?abÎme des matières fécales. Ces demeures sont, en réalité, construites sur des fosses septiques (égouts) qui, par leur nombre et leur proximité sous terre, formeraient une sorte de sable mouvant, expliquent les vieux du quartier. De ce magma, se dégagent des odeurs nauséabondes qui agressent fortement les narines. A l?indépendance, raconte le représentant du quartier, ces familles étaient composées de deux ou parfois de quatre membres, mais au fil des années, avec l?impossibilité d?avoir un logement décent pour les descendants, surtout une fois mariés, ces familles sont devenues plus denses et les trois pièces qui faisaient autrefois office d?habitation ne pouvaient plus désormais les contenir. D?où la nécessité de «désengorger» ces familles qui vivent le calvaire au quotidien. La famille Zouaoui, citée en exemple, occupe le quartier Tribou depuis des lustres, selon son chef de famille. Elle serait composée de cinquante membres qui partagent un espace de 168 m2. Autrement dit, trois personnes par mètre carré. «C?est insensé», dira cette famille. Pour parer à ce problème, les familles ont décidé d?ériger, à partir des anciennes bâtisses, des constructions en forme de cube sur deux étages. La densité de la population et l?aspect urbanistique de ce quartier, devenu plus anarchique, ont encore influé négativement sur l?environnement et la sécurité des habitants. Le cabinet d?aisance est ainsi partagé par pas moins de trente personnes.