La situation dans laquelle se débattent les habitants de Tribou (Bab Ezzouar) renvoie à l'incapacité des responsables locaux à dire tout haut ce qu'ils pensent tout bas. Ils se fichent éperdument du quotidien difficile de leurs semblables. Le problème, c'est comment le dire sans s'attirer des ennuis et se la couler douce. Leur recette : promettre et gagner du temps. Pas besoin d'être un génie pour faire le constat à Tribou : plus de 200 familles partagent leur vie, depuis 1978, avec une centrale électrique. Pas besoin aussi d'être un crack pour imaginer la solution : le relogement. La délocalisation de la centrale étant plus problématique et plus coûteuse. Ce n'est pas trop demandé, puisque aucune famille n'a quitté ce vieux quartier depuis l'Indépendance. Comme les élus locaux, promus grâce au suffrage de leurs concitoyens, faignant de ne rien voir, il a fallu recourir à la rue et leur crier haut et fort : M... ! La première fois, c'était en février 2005. Les habitants de Tribou ont occupé la rue pour porter leur voix le plus loin possible. C'est au président de la République qu'ils veulent dire, en désespoir de cause, que les nuisances de l'usine les rendent fous, qu'il est inconcevable que des familles vivent sur des fosses, qu'il est indécent qu'un père de famille partage son lit avec son fils ou sa fille de 30 ans et que les responsables locaux dorment (loin de l'usine bien sûr) la conscience tranquille. Dans le feu de l'action, le premier magistrat de la commune, sur instruction du wali délégué territorialement compétent, a installé une commission. Elle a été chargée de « recenser » les problèmes des habitants, notamment celui du logement. La commission a fait son travail, proposé des solutions. Des promesses ont été faites. Il ne reste qu'un petit détail : que les responsables tiennent leurs engagements ! D'autres manifestations ont été rendues nécessaires pour rappeler à ces derniers leurs promesses. Peine perdue ! A Tribou, on ne désespère pas pour autant. Surtout quand ils entendent les appels des bénéficiaires des 80 logements sociaux participatifs de Hydra, roulés dans la farine aussi bien par les élus locaux, le responsable de la daïra que celui du logement. L'équité, c'est aussi le partage des mêmes peines.