Témoignage n «Jamais nos plages n?ont été autant agressées ni d?une telle manière !» C?est ce qu?affirme, outré, un riverain de Dellys, qui habite au bord d?une petite plage isolée depuis plus d?une cinquantaine d?années. En effet, dans cette région et depuis une dizaine d?années, le pillage de sable se fait au vu et au su de tout le monde. «Avant, on utilisait des moyens classiques (pelles, brouettes, baudets, tracteurs, etc.), aujourd?hui, ce sont les bulldozers, les pelles mécaniques et les camions de grand tonnage qui puisent le sable de ces plages, c?est grave !», explique ce sexagénaire qui déplore profondément cette situation, mais dont, paradoxalement, les enfants pratiquent ce métier depuis longtemps. C?est le cas d?ailleurs de dizaines de familles qui en font leur seul gagne-pain. Les oueds ne sont pas épargnés par ce phénomène. A Oued Sebaou, l?extraction de ce précieux matériau de construction se fait en plein jour avec des engins lourds. Mais le plus étonnant, c?est que ce pillage se pratique à deux pas d?un barrage permanent de la gendarmerie. Par ailleurs, des rumeurs, concernant un lien direct entre les éléments du Gspc (Groupe salafiste pour le combat et la prédication) et la mafia du sable, ont été confirmées par des sources sécuritaires. «Des éléments de ce groupe assurent une couverture et une protection nocturne pour les pilleurs contre des sommes colossales d?argent», selon ces sources. La situation politique et sécuritaire dans la région a joué, elle aussi, un grand rôle dans la prolifération de ce fléau écologique. «Après la mise en quarantaine de la Gendarmerie nationale en Kabylie, la mafia du sable, rassurée par l?absence de ce corps de sécurité, le seul capable de lutter contre ce trafic, a redoublé d?efforts», explique un gendarme nouvellement muté dans la région. Les lois, censées gérer les ressources naturelles des plages et des oueds, ne sont pas claires et le vide juridique est flagrant dans ce domaine. Aziz ZamècheEn attendant l'application de la loi l Les gens sont mal informés sur l?existence des lois qui gèrent ce domaine maritime et fluvial. Certains pilleurs dans la région ne sont même pas au courant des dernières décisions du wali de Tizi Ouzou, qui interdit toute extraction de sable des plages et des oueds. Cela dit, une nouvelle loi interdisant l?utilisation dans le bâtiment et la construction de sable maritime et fluvial est en train d?être élaborée. Il est très urgent qu?elle soit rapidement votée et appliquée. En attendant, l?article 9 de la loi relative à la protection et à la valorisation du littoral stipule qu?«il est interdit de porter atteinte à l?état naturel du littoral qui doit être protégé, utilisé et mis en valeur en fonction de sa vocation».Quant à l?article 20, il stipule notamment que les extractions de matériaux sont formellement interdites sur les plages. Cet article étant suffisamment clair et précis, ne requérant donc aucun texte additif, son application doit être immédiate. L?article 40 énonce la disposition pénale concernant les pilleurs de sable des plages. «Un emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 200 000 DA à 2 millions de dinars, ou de l?une de ces deux peines.» En cas de récidive, les peines sont doublées. La juridiction compétente peut prononcer la confiscation des instruments, matériel et engins ayant servi à commettre l?infraction. Cependant, le ministre de l'Urbanisme a précisé, récemment, que la loi sur l'interdiction de l'extraction du sable ne sera appliquée que dans deux ans. A signaler enfin que le littoral demeure sans observatoire national disposant de moyens d?action pour sa protection.