n En quinze ans, Angela Merkel est passée de l'apprentie sorcière est-allemande mal fagotée au statut de leader politique. A la tête de la CDU chrétienne-démocrate, Angela Merkel est aussi atypique de l'Allemagne traditionnelle qu'on peut l'être. Par son adolescence d'abord, passée en RDA. Par sa formation aussi, une scientifique protestante à la présidence d'un parti plutôt catholique, marqué par le «capitalisme rhénan». Par son statut enfin, une femme au sommet d'une formation solidement masculine, divorcée de surcroît, sans enfant et remariée. Durant la campagne électorale, elle a dû se forcer pour mettre du rouge à lèvres et porter des robes un peu moins ringardes. A bien des égards Angela Merkel est restée une «Ossie»,une Allemande de l'Est. Née en 1954 à Hambourg, mais partie aussitôt à l'Est avec son père pasteur, elle a grandi dans l'ex-RDA, avec passage obligé dans les Jeunesses communistes. Jamais dissidente mais pas non plus compromise, elle est repérée dès 1989 par le chancelier Kohl, à la recherche de cadres pour la CDU à l'Est, qui en fait sa protégée, sa «fifille» : «Ossi» de l'Est et femme, quoi de mieux pour symboliser le renouveau de son équipe usée ? La voilà ministre de la Condition féminine et de la Jeunesse en 1991 puis, une mandature plus tard, ministre de l'Environnement. Elle entame aussi son ascension au sein du parti. A pas de géant. Son premier mentor, de Maizière, est écarté pour cause de contacts avec la Stasi, la police politique communiste, et voilà qu'elle lui succède comme vice-présidente de la CDU en décembre 1991. Günther Krause, qui l'avait également poussée à ses débuts, sombre dans un scandale d'évasion fiscale et elle hérite de son poste de président de la CDU au Mecklembourg. Elle ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Le séisme politique qu'est l'affaire des caisses noires de la CDU lui permet de viser encore plus haut. Helmut Kohl a démissionné de la présidence du parti dès avant le scandale, après la victoire électorale de la gauche en 1998. Wolfgang Schäuble, son successeur, offre le secrétariat général du parti à la jeune femme ambitieuse mais, impliqué, lui aussi jette à son tour l'éponge : le 10 avril 2000, Angela Merkel devient la première femme à présider la CDU. Elle n'y avait pas peu contribué en faisant publier une tribune iconoclaste dans la presse pour inviter le parti à prendre ses distances avec? Helmut Kohl. Il mettra longtemps à le lui pardonner. La voilà au faîte du parti, il lui reste le sommet du pouvoir à conquérir, la chancellerie que Gerhard Schröder brigue une nouvelle fois en 2002. Contrainte ou lucide, on ne le saura sans doute jamais, mais elle «offre la candidature» à Edmund Stoiber, le patron de la CSU bavaroise qui, de justesse, perd contre le chancelier de gauche. C'est pour elle l'occasion d'épingler un nom prestigieux à son tableau de chasse : pour cumuler la direction du parti et celle de son groupe parlementaire, elle en évince Friedrich Merz, un brillant expert des questions financières dont elle se fait un ennemi durable.