Confidences n «Si je reste dans la rue et dés?uvré, je risque de devenir voyou, je vais être tenté par le kif, les cachets? Je n?ai pas envie de suivre ce chemin, je suis prêt à tout faire, j?accepterai n?importe quel travail», confie Mehdi, 18 ans. «Je ne parle de mes problèmes à personne. Que veux-tu que je dise à mes frères ? Il n?y a rien de nouveau pour en parler ! Ma mère est la seule personne à qui je me confie, lorsqu?elle n?est pas en colère. Elle se plaint quotidiennement, car elle manque toujours de l?essentiel pour préparer à manger, faire le ménage? Quand c?est la facture de l?eau ou de l?électricité, des dépenses obligatoires, ses nerfs lâchent, elle s?effondre en pleurant. Dans ces conditions, tu ne peux pas dire ??maman, j?ai un problème !??. Tu sais, la misère étouffe, face à elle, on ne sait quoi dire, les paroles ne sortent pas, dans ces moments, tu voudrais te mettre sous terre, tu aimerais ne pas être là, ne pas être sur terre, ne jamais exister», raconte Mehdi. Sa vie n?a jamais été tranquille. Il a quitté l?école en 8e année, car il n?avait «pas la tête aux études» et puis il a redoublé plusieurs fois. Il s?inscrit alors dans un Centre de formation professionnelle pour apprendre le métier d?électricien auto. «J?ai été exclu six mois après, un prof m?a insulté parce que j?avais oublié mon cahier à la maison, j?ai vivement protesté, depuis je ne fais rien.» Son père, ancien ouvrier, est au chômage, il a été licencié après la vague de compressions du personnel dans l?entreprise étatique où il exerçait (1990). Avec les indemnités de son licenciement, il a acheté une voiture d?occasion et exerce le métier de chauffeur de taxi. Un jour, son père a été amputé de la jambe, une plaie qu?il a négligée. Aujourd?hui, il ne fait plus rien. C?est son frère âgé de 24 ans, marié, un enfant, qui prend en charge toute la famille ? six personnes ? grâce à la vente de cigarettes. Son temps, Mehdi le passe debout au coin de la rue avec ses copains. «Je sors à 8h, j?aide mon frère marié et puis c?est la rue. Je rentre à la maison pour déjeuner, une heure après, je reprends ma place au coin de la rue, je partage aussi des parties de dominos, de cartes. Vers 22h, je rentre à la maison pour dîner et dormir.» La rue devient ainsi le seul coin tranquille, un refuge, où l?on vomit tout son désarroi, sa solitude, sa haine et sa misère. «Où veux-tu que j?aille sans argent ? Au cybercafé ! Pour quoi faire ? Je sais à peine lire et écrire ! Aux centres culturels, dans les maisons de jeunes ! Pour faire de la couture peut-être ! (éclats de rire). Ne dis pas de bêtise ! Du sport ! Il faut de l?argent ! J?attends qu?une porte s?ouvre, on dit que Dieu quand il ferme une porte, en ouvre sept (silence). Je prie Dieu pour qu?il m?ouvre une seule porte.» Comment s?en sortir ? Il ne le sait pas, mais la priorité de l?heure est de trouver un travail pour avoir de l?argent et «ne plus en demander à mon frère ou mendier».