Après l?assassinat de Jouin, Bonnot conçoit sa fuite intelligemment. Il garde une allure raisonnable, ne hâte pas le pas. Il arrive ainsi à Paris sans histoire. Chaque soir, il se met en quête d?un nouvel abri. Nul ne doute de sa capture à plus ou moins longue échéance. La décision de le tuer rallie tous les suffrages. Jamais la police, encouragée par le gouvernement, ne pense un seul instant prendre vivant son gibier. Bonnot court toujours. Sa piste semble perdue lorsqu?un pharmacien de Choisy-le-Roi déclare qu?il a donné des soins à un homme blessé à la main et dont le signalement correspond à celui du fuyard. Effectivement, Bonnot trouve refuge chez un anarchiste : le garagiste Jules Dubois, à Choisy-le-Roi. Et son nouveau refuge est découvert le 28 avril 1912. Ce dimanche 28 avril, une quinzaine d?inspecteurs cernent le pavillon de Dubois. Dubois, qui est dans le garage, leur tire dessus avant de se faire abattre. Bonnot se barricade et blesse un inspecteur. Sans être nourri, le tir l?est tout de même suffisamment pour tenir les policiers en respect et les obliger à se mettre à l?abri. Ceux-ci pensent que Bonnot n?est pas seul. Le siège commence. La fusillade a réveillé toute la localité. De Choisy, d?Alfortville, de Thiais et même de plus loin rappliquent des hommes armés de carabines, de fusils de chasse. Cinq cents hommes armés sont là, disséminés dans les haies. Le maire de Choisy et le préfet Lépine arrivent. A neuf heures, arrivent successivement deux compagnies de la Garde républicaine. De toute la banlieue de Paris, on continue à affluer vers Choisy. C?est un spectacle à ne pas manquer. Vingt mille spectateurs accourus en train, en fiacre, en auto ou à pied. Ordre est donné d?acheminer l?entier régiment d?artillerie stationné à Vincennes. On demande également une mitrailleuse lourde. Un cordon de tirailleurs cerne maintenant la maison. Midi. Il y a maintenant près de trente mille personnes autour du pavillon. Trente mille personnes venues assister à l?agonie d?un «illégaliste». L?agonie de la bête va durer des heures. La fusillade ne connaît aucun répit. Tous les assiégeants pensent jouer un rôle historique. Ils sont persuadés qu?ils ont à venger les crimes de Bonnot. On boit, on parle, on s?interpelle, on rit. On le peut car, de son repaire, Bonnot n?est pas en mesure d?atteindre tous ces bravaches et redresseurs de torts de pacotille. Tous ces gens qui hurlent à la mort, pris individuellement, sont des pleutres et des lâches pour la plupart. Leur nombre leur donne un sentiment de puissance invincible. Cette foule est bourreau. Elle a accepté les yeux fermés les récits fantaisistes de la presse sur Bonnot. On décide de dynamiter le repaire. Bonnot se sait perdu. Il rampe jusqu?à la table, prend plusieurs feuilles et rédige une sorte de testament. (à suivre...)