Décrépi, recouvert de la poussière du temps, le Malakoff est le mausolée béni. Quelques instants après le f?tour, ce café est submergé par la fumée, l??uvre de ceux qui préfèrent la cigarette au goût raffiné de la chorba. La cigarette est une reine qui sait se parer de ses plus beaux atours pour accueillir ses «sujets» libérés enfin d?une très dure abstinence. M?rizek et El-Anka ne sont pas au Malakoff, mais, ici, le chant du rossignol prend majestueusement le dessus sur le cri jovial des vieux briscards, l?esprit crevé autour d?une partie de cartes ou de dominos. Le garçon, tablier rouge et à l?allure d?un sprinter, fait accélérer les tournées. Le jeu est si rapide, l?attention est si grande, que l?on commande à tort et à travers, au grand bonheur du propriétaire qui, tel un félin, surveille pratiquement toutes les tables, non sans brusquer à chaque fois ses employés usés par la cadence des commandes. Les chantres du chaâbi ne sont pas là, mais la guitare et le mandole sont ici cachés sous les volutes du paradis perdu, mais ressuscités à Malakoff. On savoure l?hymne fait de qacidate à l?estampille El-Anka, Ammar Ezzahi, avec le verbe qui dépeint les turpitudes de la vie et les travers de la politique. Un verbe qui montre Alger dans toutes sortes de convulsions. Son opposition au gain facile lui a valu présentement la fidélité des fans de nos chers disparus Cheikh Nador, Hadj M?rizek et Hadj M?hamed El-Anka. Comme dans une partie de dominos que même les téméraires n?oseront pas clore.