Rencontre En ouverture du 8e Salon du livre, une conférence sur Kateb Yacine s?est tenue jeudi dans le pavillon Le métier à tisser. La conférence a été animée par Mediene Benamer, professeur en histoire d?art à Aix-en-Provence, et par Lakhdar Mohamed Maougal, professeur au département des lettres françaises à Bouzaréah. Ces intervenants ont, tour à tour, raconté et décrit le personnage de Kateb Yacine, un personnage si distinctif qu?il suscite un intérêt grand et particulier de la part des critiques littéraires et des linguistes, tant son verbe, donc son écriture est unique et spectaculaire. Dans un premier temps, Mediene Benamer a parlé de Kateb Yacine en tant qu?individu, il a raconté l?être social. Pour commencer il dit : «Il n?y a pas mieux qu?un Salon du livre pour parler de ceux qui ont fait l?orgueil de l?Algérie.» Et d?ajouter : «Kateb Yacine est immortel. Il vit encore et pour toujours dans notre mémoire. C?est un patriote, un homme qui a milité pour les libertés. C?est un militant du monde. Il a appartient au monde. D?ailleurs, c?est quelqu?un sans domicile fixe, puisqu?il habitait le monde, l?humanité entière.» Ensuite, Mediene Benamer raconte comment Kateb Yacine, ce dieu du verbe, est venu à l?écriture. «Kateb Yacine a appris très tôt les mots. Il les a assimilés sans difficultés. D?ailleurs, c?est un lecteur précoce. A l?âge de 16 ans, il a composé des poèmes. «D?autre part, c?est par l?amour, un amour impossible, qu?il portait sur sa cousine que Kateb Yacine est venu à l?écriture.» Kateb Yacine transfère cette passion pour sa cousine à l?écriture, d?où la naissance de Nedjma. Une passion qu?il réinvestit dans la création poétique, mais aussi dans la Révolution, puisqu?il était un fervent révolutionnaire, à partir du moment où ses écrits, soit la poésie, le roman ou le théâtre, étaient subversifs. D?ailleurs, les politiques se méfiaient de Kateb Yacine, et Kateb Yacine ne faisait pas confiance aux gouvernements. «Effectivement, Kateb Yacine est né poète. Il avait l?âme d?un poète, tel Rimbaud ; et comme ce poète français du XIXe siècle et du début du XXe siècle, Kateb Yacine est un aventurier. Il va, suivant son instinct, à l?aventure, à la rencontre des gens, à la découverte du monde pour qu?ensuite transposer ses impressions et ses expériences dans ses différents écrits». Plus tard, et dans un deuxième temps, Lakhdar Mohamed Maougal intervient, mais dans bref exposé, pour parler, à son tour, de la controverse existante entre Kateb Yacine et Albert Camus. Il fait une sorte de rapprochement entre ces deux hommes de lettres, mais un rapprochement qui, dans le temps, a suscité quelque débat, quelque polémique. Il dit : «Ce qu?il faut d?abord savoir, c?est que Albert Camus est entré dans le journalisme à l?âge de 26 ans, et en 1939 ; et il n?a mis fin à sa carrière journalistique qu?en 1958. Quant à Kateb Yacine, il est venu à la presse à l?âge de 20 ans, et de 1949 jusqu?à 1989. Tous deux ont signé dans le journal Alger républicain». Ensuite, il explique le rapprochement. Albert Camus a fait une enquête sur la misère en Kabylie. Et dans cette enquête, il donne l?origine de cette indigence. D?abord, c?est parce que la Kabylie reste encore sous l?emprise d?une culture traditionnelle. Après, c?est parce que le mode de gestion qu?exerçait l?administration coloniale faisait que la société kabyle stagnait dans l?immobilisme. Or Kateb Yacine explique dans un article que l?administration coloniale est le principal facteur de l?arriération et la pauvreté de la Kabylie. C?est elle qui, surtout, favorise la misère en Kabylie et maintient la région dans le dénuement et l?immobilisme. De là, est née la confrontation, s?est tissé le rapprochement entre Kateb Yacine et Camus.