Résumé de la 12e partie n Ayant rapidement acquis une réputation de très bon médecin dans tout Damas, le savant perse ne tarde pas à recevoir une envoyée de Sett Zahia venue exposer le cas de Belle-Heureuse. Alors, la dame se tourna vers l'adolescent qu'elle se mit à dévisager plus attentivement pour lui dire, quelques moments après : «Par Allah ! ô mon enfant, la malade te ressemble fort, et son visage est aussi beau et aussi doux que le tien !» Puis elle dit au savant : «Dis-moi, ô noble Persan, cet adolescent est-il ton fils ou ton esclave ?» Il répondit : «C'est mon fils, ô respectable, et ton esclave !» Et la vieille dame, excessivement flattée de tous ces égards, répondit : «En vérité, je ne sais ce que je dois le plus admirer ici de ta science, ô médecin sublime, ou de ta descendance !» Puis elle continua à converser avec le savant tandis que Bel-Heureux finissait de faire les petits paquets de remèdes et les mettait dans une boîte où il glissait un billet et, en peu de mots, apprenait de la sorte à Belle-Heureuse son arrivée à Damas avec le médecin de Perse. Après quoi, il cacheta la boîte et écrivit sur le couvercle son nom et son adresse en caractères koufiques, illisibles pour les habitants de Damas, mais déchiffrables pour Belle-Heureuse qui connaissait fort bien l'écriture arabe courante aussi bien que la koufique. Et la dame prit la boîte, déposa dix dinars d'or sur l'étagère du médecin, prit congé des deux et sortit pour se rendre directement au palais où elle se hâta de monter chez la malade. Elle la trouva les yeux à demi-fermés et mouillés vers les coins de larmes, comme toujours. Elle s'approcha d'elle et lui dit : «Ah ! ma fille, puissent ces remèdes te procurer autant de bien que la vue de celui qui les a faits m'a donné de plaisir. C'est un adolescent aussi beau qu'un ange, et la boutique où il se tient est un lieu de délices ! Voici la boîte qu'il m'a donnée pour toi.» Alors Belle-Heureuse, pour ne point repousser l'offre, tendit la main, prit la boîte et jeta sur le couvercle un regard vague ; mais soudain elle changea de couleur en voyant, sur le couvercle, ces mots tracés en koufique : «Je suis Bel-Heureux, fils de Printemps de Koufa !» Mais elle eut assez de force sur son âme pour ne pas s'évanouir ou se trahir. Et elle dit à la vieille dame, en souriant : «Alors tu dis que c'est un bel adolescent ? Comment est-il ?» Elle répondit : «Il est un tel mélange de délices qu'il m'est impossible de te le dépeindre ! Il a des yeux et des sourcils ! ya Allah ! Mais ce qui ravit l'âme, c'est un grain de beauté qu'il a sur le coin gauche de la lèvre et une fossette qui se creuse, au sourire, sur sa joue droite !» A ces paroles, Belle-Heureuse ne douta plus que ce ne fût là son maître bien-aimé, et elle dit à la vieille dame : «Puisqu'il en est ainsi, puisse ce visage être de bon augure ! Donne-moi les remèdes.» Et elle les prit et, en souriant, les avala en une fois. Et au même moment elle vit le billet, qu'elle ouvrit et parcourut. Alors elle sauta à bas de son lit et s'écria : «Ma bonne mère, je sens que je suis guérie. Ces remèdes sont miraculeux. O ! quel jour béni !» Et la vieille s'écria : «Oui ! par Allah, c'est là une bénédiction du Très-Haut !» Et Belle-Heureuse ajouta : «De grâce, hâte-toi de m'apporter à manger et à boire, car je me sens mourir de faim depuis près d'un mois que je ne puis toucher aux mets !» Alors la vieille, après avoir fait apporter à Belle-Heureuse, par les esclaves, des plateaux chargés de toutes sortes de rôtis, de fruits et de boissons, se hâta d'aller annoncer au khalife la guérison de la jeune esclave par la science inouïe du médecin persan. Et le khalife dit : «Va vite lui porter de ma part mille dinars !» Et la vieille se hâta d'exécuter l'ordre, après avoir toutefois passé chez Belle-Heureuse qui lui remit également un cadeau pour le médecin dans une boîte cachetée. (à suivre...)