Résumé de la 14e partie n Pour tenir sa promesse, la servante perse habille Bel-Heureux en femme. Il ne passe pas inaperçu car son déguisement lui donne une allure de femme, même plus belle qu?une vraie femme. Alors Bel-Heureux, dans la boutique, se mit à répéter les gestes en question et s'en acquitta de telle façon que la bonne dame s'écria : «Maschallah ! Les femmes peuvent désormais s'abstenir de se vanter ! Quels merveilleux mouvements de croupe et quels coups de reins splendides ! Pourtant, pour que la chose soit admirable tout à fait, il faut donner à ta physionomie une expression plus langoureuse en penchant le cou un peu plus et en regardant du coin des yeux. Là ! c'est parfait ! Tu peux me suivre maintenant.» Et elle s'en alla avec lui au palais. Lorsqu'ils furent arrivés à la porte d'entrée du pavillon réservé au harem, le chef eunuque s'avança et dit : «Aucune personne étrangère ne peut entrer sans l'ordre spécial de l'émir des Croyants. Arrière donc avec cette jeune fille, ou bien, si tu veux, entre toi seule !» Mais la vieille dame dit : «Qu'as-tu fait de ta sagesse, ô couronne des gardiens ? Toi d'ordinaire le délice même et l'urbanité, tu prends maintenant un ton qui jure tellement avec ton aspect exquis ! Ne sais-tu, ô doué de nobles manières, que cette esclave est la propriété de Sett Zahia, la s?ur de notre maître le khalife et que Sett Zahia, en apprenant ton manque d'égards vis-à-vis de son esclave préférée, ne manquera pas de te faire destituer et même de te faire décapiter ? Et c'est toi-même qui auras été de la sorte la cause de ton infortune !» Puis la dame se tourna vers Bel-Heureux et lui dit : «Viens, esclave ! oublie tout à fait ce manque d'égards de notre chef, et surtout n'en dis rien à ta maîtresse ! Allons ! viens !» Et elle le prit par la main et le fit entrer, tandis qu'il penchait sa tête câlinement de droite et de gauche en jetant un sourire des yeux au chef eunuque, qui hochait la tête. Une fois dans la cour du harem, la dame dit à Bel-Heureux : «Mon fils, nous t'avons fait réserver une chambre à l'intérieur même du harem, et tu vas de ce pas y aller tout seul. Pour la trouver, tu vas entrer, par cette porte-ci, tu prendras la galerie qui se présentera devant toi, tu tourneras à gauche, puis à droite, et encore à droite, tu compteras ensuite cinq portes et tu ouvriras la sixième : c'est celle de la chambre qui t?est réservée et où ira te rejoindre Belle-Heureuse que je vais prévenir. Et je me chargerai alors de vous faire sortir tous deux du palais sans éveiller l'attention des gardiens et des eunuques.» Alors Bel-Heureux entra dans la galerie, et dans son trouble se trompa de côté : il tourna à droite, puis à gauche dans un corridor parallèle à l'autre, et pénétra dans la sixième chambre... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la deux cent quarante-sixième nuit, elle dit : ... Dans la sixième chambre. Il arriva de la sorte dans une haute salle creusée en dôme léger, dont les parois étaient ornées de versets en caractères d'or qui couraient partout, entrelacés en mille lignes de perfection ; là les murs étaient tendus de soie rose, les fenêtres tamisées de fins rideaux de gaze et le sol recouvert d'immenses tapis du Khorassân et du Cachemire ; là, sur les tabourets, étaient posées des coupes de fruits et, directement sur les tapis, s'étalaient les plateaux recouverts du foulard protecteur qui laissait deviner, à leurs formes et à leurs odeurs admirables, ces pâtisseries fameuses, délices des gosiers les plus difficiles et que la seule Damas, parmi toutes les villes de l'Orient et de l'univers entier, savait douer de leurs si sympathiques qualités. Or, Bel-Heureux était loin de se douter de ce que lui réservaient, dans cette salle, les puissances inconnues. (à suivre...)