Résumé de la 11e partie n Le savant perse, qui se prit d?affection pour Bel-Heureux, loua, dès son arrivée avec son protégé à Damas, une boutique et ouvrit un commerce. Aussi, il ne faut point s'étonner que le médecin persan ait été réputé en quelques jours, parmi tous les notables et les gens riches, pour sa science extraordinaire, et que le bruit de tous ses prodiges soit arrivé aux oreilles mêmes du khalife et de sa s?ur Sett Zahia. Donc, un jour que le médecin était assis au milieu de la boutique et dictait une ordonnance à Bel-Heureux qui était à ses côtés et tenait le calam à la main, une respectable dame, montée sur un âne à la selle de brocart rouge constellée de pierreries, s'arrêta à la porte, noua la bride de l'âne à l'anneau de cuivre qui surmontait le pommeau de la selle, puis fit signe au savant de venir l'aider à descendre. Aussitôt, il se leva avec empressement, courut lui prendre la main et la fit descendre de l'âne et entrer dans la boutique où il la pria de s?asseoir après que Bel-Heureux lui eut avancé un coussin en souriant discrètement. Alors la dame sortit, l'ayant tiré de sa robe, un flacon rempli d'urine et demanda au Persan : «C'est bien toi, ô vénérable cheikh, qui es le médecin arrivé de l'Irak-Ajami pour faire ces cures admirables à Damas ?» Il répondit : «C?est ton esclave lui-même.» Elle dit : «Nul n'est l'esclave que d'Allah ! Sache donc, ô maître sublime de la science, que ce flacon-là contient la chose que tu comprends et dont la propriétaire est la favorite, bien que vierge encore, de notre souverain l'émir des Croyants. Ici les médecins n'ont pu deviner la cause de la maladie qui l'a alitée dès le premier jour de son arrivée au palais. Aussi El-Sett Zahia, la s?ur de notre maître, m'a envoyée vous porter ce flacon pour que vous y découvriez cette cause inconnue.» A ces paroles, le médecin dit : «O ma maîtresse, il te faut me dire le nom de cette malade afin que je puisse faire mes calculs et savoir au juste l'heure la plus favorable pour lui faire boire les remèdes.» La dame répondit : «Elle s'appelle Belle-Heureuse.» Alors le médecin se mit à tracer sur un bout de papier qu'il tenait à la main des calculs en grand nombre, les uns à l'encre rouge et les autres à l'encre verte. Puis il fit la somme des chiffres rouges et celle des chiffres verts, les additionna et dit : «O ma maîtresse, j'ai découvert la maladie ! C'est une affection connue sous le nom de ?tremblement des éventails du c?ur?.» A ces paroles, la dame s'écria : «Par Allah ! c'est la vérité ! Car les éventails de son c?ur tremblent si fort que nous les entendons !» Le médecin continua : «Mais il me faut, avant de prescrire les remèdes, connaître de quel pays elle est. Cela est très important, car c'est par là que je saurai, une fois mes calculs faits, l'influence de la légèreté de l'air ou de sa pesanteur sur les éventails de son c?ur. De plus, pour juger de l'état de conservation de ces éventails délicats, il me faut également savoir depuis combien de temps elle est à Damas et son âge précis !» La dame répondit : «Elle a été élevée, paraît-il, à Koufa, ville de l'Irak ; elle est âgée de seize ans, car elle est née, d'après ce qu'elle nous a dit, l'année de l'incendie du souk de Koufa. Quant à son séjour à Damas, il est de quelques semaines seulement...» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la deux cent quarante-quatrième nuit, elle dit : «...De quelques semaines seulement.» A ces paroles, le savant de Perse dit à Bel-Heureux, dont le c?ur battait comme un moulin : «Mon fils, prépare les remèdes tel et tel, d'après la formule d'Ibn-Sina, à l'article sept !» (à suivre...)