Résumé de la 17e partie n Avec la complicité de Sett Zahia, Belle-Heureuse et Bel-Heureux se retrouvèrent enfin et vécurent ensemble un moment de bonheur exquis, avant que le khalife ne vienne les rejoindre. Alors le khalife écarta le voile de l'adolescent et fut stupéfait de sa beauté ! Bel-Heureux, en effet, n'avait point encore de poils sur les joues, mais un léger duvet seulement qui mettait une ombre adorable sur sa blancheur, sans compter la goutte de musc qui souriait en beauté sur son menton. Aussi le khalife, ravi à l'extrême, s'écria : «Par Allah ! ô Zahia, dès ce soir je veux également prendre cette nouvelle adolescente pour concubine et je lui réserverai, comme à Belle-Heureuse, un appartement digne de sa beauté et un train de maison comme à mon épouse légitime !» Et Sett Zahia répondit : «Certes, ô mon frère, cette adolescente est un morceau digne de toi !» Puis elle ajouta : «Il me vient justement à l'idée de te raconter une histoire que j'ai lue dans un livre écrit par un de nos savants.» Et le khalife demanda : «Et quelle est cette histoire ?» Sett Zahia dit : «Sache, ô émir des Croyants, qu'il y avait dans la ville de Koufa un adolescent nommé Bel-Heureux, fils de Printemps... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la deux cent quarante-huitième nuit, elle dit : «? Un adolescent nommé Bel-Heureux, fils de Printemps. Il était le maître d'une esclave fort belle qu'il aimait et qui l'aimait, car tous deux avaient été élevés ensemble dans le même berceau et s'étaient possédés dès les premiers temps de leur puberté. Et ils furent heureux pendant des années, jusqu'à ce qu'un jour le temps se tournât contre eux en les ravissant l'un à l'autre. Ce fut une vieille femme qui servit d'instrument de malheur au destin farouche. Elle enleva la jeune esclave et la livra au gouverneur de la ville, qui se hâta de l'envoyer en cadeau au roi de ce temps-là. «Mais le fils de Printemps, en apprenant la disparition de celle qu'il aimait, n'eut de repos qu'il ne l'eût retrouvée dans le palais même du roi, au milieu du harem. Mais au moment même où tous deux se félicitaient de leur réunion et versaient des larmes de joie, le roi entra dans la salle où ils se trouvaient et les surprit ensemble. Sa fureur fut à sa limite et, sans chercher à éclaircir la situation, il leur fit couper la tête, à tous deux, séance tenante ! «Or, continua Sett Zahia, comme le savant qui a écrit cette histoire ne donne pas sa conclusion sur le procédé, je voudrais, ô émir des Croyants, te demander ton avis sur l'acte de ce roi, et savoir ce que tu aurais fait à sa place, dans les mêmes conditions !» L'émir des Croyants, Abd El-Malek ben-Merouân, répondit sans hésiter : «Ce roi aurait dû se garder d'agir avec autant de précipitation et il aurait mieux fait de pardonner aux jeunes gens, et ce pour trois raisons : la première est que les deux jeunes gens s'aimaient sérieusement et depuis longtemps, la seconde est qu'ils étaient à ce moment-là les hôtes de ce roi puisqu'ils étaient dans son palais, et la troisième est qu'un roi ne doit agir qu'avec prudence et circonspection. Je conclus donc que ce roi a fait un acte indigne d'un vrai roi !» A ces paroles, Sett Zahia se jeta aux genoux de son frère et s'écria : «O commandeur des Croyants, tu viens, sans le savoir, de te juger toi-même dans l'acte futur que tu vas accomplir ! Je t'adjure par la mémoire sacrée de nos grands ancêtres et de notre auguste père l'intègre, d'être équitable dans le cas que je vais te soumettre !» Et le khalife, fort surpris, dit à sa s?ur : «Tu peux me parler en toute confiance. Mais relève-toi !» Et la s?ur du khalife se releva et se tourna vers les deux jeunes gens et leur dit : «Tenez-vous debout !» Et ils se tinrent debout, et Sett Zahia dit à son frère : «O émir des Croyants, cette adolescente si douce et si belle, qui est couverte de ce voile, n'est autre que le jeune Bel-Heureux, fils de Printemps. Et Belle-Heureuse est celle qui fut élevée avec lui et devint plus tard son épouse !» (à suivre...)