Une chambre de clinique aux murs bleu pâle. Les stores vénitiens à moitié fermés laissent passer quelques rayons d'un beau soleil de printemps. Une femme blonde de quarante-cinq ans environ semble sur le point de se réveiller. De part et d'autre de son lit, deux corbeilles de fleurs où dominent les orchidées. Une infirmière entre dans la chambre. «Vous avez bien dormi, madame ?» La malade ouvre un ?il, puis les deux. Elle s'étire et se hisse sur son oreiller. C'est une jolie femme, malgré la pâleur de son teint. «ll y a longtemps que je dors ? ? Une semaine...» La femme a un sursaut d'inquiétude : «Une cure de sommeil ? Mais pourquoi ? Où suis-je ?» L'infirmière s'installe au chevet du lit. «A la maison de repos Les Glycines. Vous avez fait une dépression nerveuse. Vous étiez dans un triste état lorsqu'on vous a amenée ici. Vous aviez tenté de vous suicider.» Dans l'esprit de la malade, les souvenirs reviennent rapidement. Elle s'appelle Dominique Comte. Elle est propriétaire d'une grande pharmacie à Orléans. Et puis il y a Laurent, Laurent GirauIt... ll l'a tant fait souffrir. C'est sans doute à cause de lui qu'elle a fait cette dépression. Mais elle ne se souvient absolument pas d'une tentative de suicide. «Depuis combien de temps suis-je ici ? ? Deux mois. Vous êtes entrée le 15 février et nous sommes le 17 avril.» Le regard de Dominique Comte tombe sur sa main gauche. Elle pousse un cri. «Mais c'est une aIliance !» L?infirmière a un petit rire : «Cela n'a rien d'étonnant, madame...» D'un geste rapide, Dominique Comte enlève le bijou. Elle regarde la face intérieure de l'anneau et lit sans en croire ses yeux : «Dominique & Laurent - 14 février 1955». Elle balbutie : «14 février... C'est la veille de mon hospitalisation. Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas possible !» L'infirmière s'approche d'elle. «Ne vous agitez pas, sans quoi je vais être obligée de vous faire une piqûre.» Mais Dominique Comte ne se calme pas, bien au contraire : «Mariée avec Laurent ! Mais c'est faux ! Je n'ai jamais voulu l'épouser. C'est une erreur.» L'infirmière fait, sans hésiter, une piqûre à la malade. «Voilà... Comme cela vous allez vous détendre. ll ne faut pas dire des choses pareilles, madame. Votre mari est si gentil. C'est lui qui vous a apporté toutes ces belles corbeilles d'orchidées.» Dominique Comte sent le sédatif faire rapidement son effet. Avant de sombrer dans l'inconscience, elle murmure une dernière fois : «Je ne suis pas mariée...» 20 avril 1955, Dominique Comte achève de préparer sa valise dans sa chambre de la maison de repos Les Glycines. C'est aujourd'hui qu'elle s'en va. La veille, lors de la visite, le médecin-chef l'a trouvée complètement guérie. Dominique s'est bien gardée, évidemment, de lui parIer de cette histoire d'alliance et de mariage, mais elle est décidée à tirer la chose au clair avec Laurent, qui doit venir la chercher tout à l'heure. Habillée avec goût, Dominique Comte n'est plus la malade au teint pâle d'il y a trois jours à peine. Elle s'est maquillée avec soin. C'est maintenant une femme pleine de charme. A quarante-cinq ans, Dominique Comte a tout pour être heureuse. Outre sa beauté, elle est riche, très riche. De ses parents, morts quand elle était adolescente, elle a hérité cette pharmacie, une des plus importantes d'Orléans. Dominique a beaucoup de bon sens et l'esprit de décision. Elle a su développer son commerce, faire des placements avantageux. En un mot, elle a réussi. (à suivre...)