Résumé de la 9e partie n Alvirah continue de remonter le temps, plongeant dans ses souvenirs d?années maigres, puis grasses, après qu?elle et Willy eurent gagné au loto. La veille de leur départ en croisière, Willy avait travaillé toute la nuit à remettre en état le premier étage d'un ancien magasin de meubles où Cordelia avait installé une boutique de vêtements d'occasion dont les revenus étaient distribués aux pauvres. Baptisé L'Arche, l'endroit faisait également office de garderie pour de jeunes enfants dont les parents travaillaient. Bref, Alvirah avait décidé qu'il était agréable d'avoir de l'argent à condition de ne pas oublier comment s'en passer. Tant mieux si nous pouvons aider les autres, se disait-elle, mais si nous devions perdre jusqu'à notre dernier sou, nous serons heureux malgré tout, aussi longtemps que nous resterons ensemble. «En cette longue nuit», conclut Willy dans un crescendo final. «Tu es prête, chérie ?», demanda-t-il en repoussant son tabouret. Alvirah se tourna vers lui. «Allons-y. Tu es formidable. Tu joues avec beaucoup d'émotion. La plupart des gens ne prêtent aucune attention à ce qu'ils chantent.» Un sourire effleura les lèvres de Willy. Sur le coup, il avait regretté d'avoir avoué à Alvirah qu'il aurait aimé jouer du piano quand il était enfant, mais aujourd'hui il éprouvait une réelle satisfaction à tapoter sans fausse note un air entier. «Si j'ai joué si lentement, c'est simplement parce que je suis infichu de déchiffrer la musique plus rapidement, dit-il d'un ton rieur. De toute façon, il est temps de nous mettre en route.» Le funérarium se trouvait dans la 96e Rue, non loin de Riverside Drive. Tandis que leur taxi progressait avec difficulté vers le nord de la ville, Alvirah songea à ses amies Bessie et Kate Durkin. Elle les avait connues des années auparavant. Kate était alors vendeuse chez Macy's et Bessie tenait la maison d'un juge à la retraite et de sa femme malade. A la mort de cette dernière, Bessie avait donné sa démission, prétextant ne pas pouvoir rester sous le même toit que le juge sans la présence d'une autre femme à la maison. Une semaine plus tard, le juge Aloysius Maher l'avait demandée en mariage, et après soixante ans de célibat, Bessie avait accepté sans hésiter son offre. Une fois mariée, elle s'était installée dans la grande et belle maison de l'Upper West Side. Après quarante années de mariage, et de mariage heureux par surcroît, Willy et Alvirah avaient atteint le stade où la même pensée les traversait sans qu'ils aient besoin d'en discuter. «Bessie ne s'était pas trompée le jour où elle a rendu son tablier, fit remarquer Willy, devinant les réflexions d'Alvirah, elle savait que si elle ne mettait pas le grappin sur le juge avant que d'autres femmes s'en chargent, elle n'avait pas la moindre chance. Elle avait toujours considéré que cette maison lui appartenait et elle n'aurait pas supporté d'en être chassée. (à suivre...)