InfoSoir : Existe-t-il un bilan général du vieux bâti? M. Boudaoud : Oui. Un premier bilan a été réalisé par Jacques Breil, chef de la statistique générale de l?Algérie. C?est un bilan arrêté à la veille du déclenchement de la Guerre de libération. A cette date, plus de 21 % du bâti avaient moins de 15 ans d?âge, 40 % entre 15 et 40 ans et 2,5 % avaient plus de 100 ans. Le nombre de logements existant dans les communes urbaines et rurales par département était de 610 089 logements à Alger, 435 925 à Oran, 600 125 à Constantine et 145 262 dans ce qu?on appelait les territoires du Sud. Au total, on dénombrait, outre les 200 000 logements réalisés dans le cadre du plan de Constantine et les logements particuliers, 1 841 000 logements à travers le pays. Ainsi, en 1962, on comptait 2,2 millions de logements. De 1962 à 2003, 3,6 millions de logements ont été réalisés, ce qui porte le chiffre à 5 505 000 logements, selon le ministère de l?Habitat et de l?Urbanisme. Le Taux d?occupation de logement (TOL) est de 6,6 %. Au 31 décembre 2003, 5,8 millions de logements ont été enregistrés de la période de 1962 à 2003. Un état des lieux sur le vieux bâti, à Alger, a été réalisé par l?Ordre des architectes à l?intention des autorités locales. Qu?avez-vous à dire à ce propos ? En 1987, a eu lieu une tentative de réhabilitation du vieux bâti à Alger. Cependant aucun diagnostic n?a été dressé et faute de professionnels, d?expérience et de vision, l?opération n?a pas abouti. En février 1987, elle a débuté et une enveloppe de 320 millions de dinars a été allouée dont 90 millions pour Sidi M?hamed, le patrimoine le plus vétuste d?Alger. 2 milliards de centimes ont été affectés à la réhabilitation des ascenseurs. Mais les propriétaires et locataires, habitués à la politique d?assistés, attendent toujours l?Etat. En outre, les OPGI accusent un recouvrement de 40 % d?impayés. On compte 53 OPGI à travers le territoire national dont 5 pour Alger seulement. Il faut savoir que 580 000 logements sont à vendre dans le cadre de la cession des biens de l?Etat. Nous, nous nous voulons une force de proposition. Il est judicieux de créer une société générale, par les propriétaires, pour voir comment vendre et éponger la dette. S?agissant de la réhabilitation, chaque commune doit recenser son patrimoine. Il existe trois catégories de réhabilitation. De plus, il ne suffit pas de réhabiliter, seulement, car il est nécessaire d?entretenir le bâti. Il faut, tous les 5 à 8 ans, procéder au ravalement des façades, tous les 10 ans à l?étanchéité, entre 10 et 15 ans à la réparation des canalisations et à la prise en charge des parties communes pour les habitations collectives. En somme, c?est un carnet de santé de chaque bâti. Nous accusons aujourd?hui un retard de 18 ans. L?urgence est d?expertiser ce patrimoine et de le classer. Ce n?est pas en un an qu?on peut conforter le vieux bâti. Sans ce diagnostic, rien n?est possible. Il faudra impliquer toutes les parties, le maître de l?ouvrage (l?Etat), le maître de l??uvre ( les entreprises) et le maître de l?usage (l?occupant ou l?usager). Quelle est aujourd?hui la menace réelle sur ce vieux bâti ? Les vibrations causées par les travaux du métro et du tramway d?Alger menacent, à la longue, le vieux bâti. J?attire l?attention des pouvoirs publics sur cette menace. Pour vous, quelle est l?urgence ? L?urgence est la réhabilitation des bâtiments stratégiques, tels que les ministères, les universités, les écoles, les hôpitaux, la Dgsn, les bâtiments appartenant à la Protection civile, etc. Une anarchie règne aujourd?hui. Il est temps de classer par ordre de priorité cette réhabilitation du vieux bâti. On perd un temps énorme. Les bâtisses de 20 ans entrent dans le patrimoine vétuste. Elles sont à démolir pour en reconstruire de nouvelles. Sauvons ce qui peut l?être. Il faudra créer des entreprises de la taille de la réhabilitation et de tout privatiser. Le vieux bâti est en délibération. (*) Président du Collège national et des architectes (Cnea)