Evénement La vieille mosquée de Beni Yezguen (Ghardaïa) était archicomble ce vendredi, certainement plus que d?habitude. Il est vrai que ce jour-là, en particulier, les habitants de la ville citadelle s?étaient bousculés dans la salle des prières pour assister à un rituel : celui du repentir public d?un habitant des lieux. Omar, la trentaine est cet homme. La faute : il a offert une dot hors normes à son épouse. Le «mahr» est, en effet, fixé à 50 g d?or pour tous les candidats au mariage à Beni Yezguen, quelle que soit leur condition sociale et quiconque y déroge se voit traduit devant le conseil des sages, le tout-puissant «majliss El-Azzaba», lequel veille à ce que les règles établies dans la communauté soient scrupuleusement respectées. On affirme que le conseil, composé des personnes les plus influentes de Beni Yezguen, a eu à prendre des décisions draconiennes à l?encontre de certaines brebis galeuses. En ce qui concerne Omar, l?autorité morale a estimé que celui qui était soumis à l?épreuve du repentir ce fameux vendredi avait offert un cadeau dont le poids en or était de 20 g supérieur à celui autorisé et que, par conséquent, il avait commis le péché d?ostentation. Il devait donc déclarer devant tous les fidèles présents dans la mosquée qu?il regrettait son geste. Le repentir est prononcé à haute et intelligible voix après la prière du dohr et après celle d?el-asr, après quoi, il était considéré lavé de la souillure de vanité. Du haut du minbar, l?imam avait eu un geste d?approbation quand Omar prononça sa promesse d?humilité. Les fidèles, qui assistaient à la scène, comprirent que la brebis était enfin rentrée dans les rangs et en furent soulagés car tous considèrent que Omar est un brave jeune homme qui a un peu la folie des grandeurs, mais enfin... Un quinquagénaire, se trouvant au premier rang, souffla à son voisin : «Ce jeunot s?en tire à moindre frais ! Heureusement qu?il n?a pas eu la maladresse de résister aux Azzaba comme l?a fait Si Hamou il y a quelques années. Le conseil avait pris la décision suprême à son encontre le pauvre homme. Que Dieu ait son âme !». L?homme évoqué est, aujourd?hui, décédé. On dit qu?il avait abusé de la confiance des habitants de Beni Yezguen pendant de longues années en se faisant passer pour un nécessiteux alors qu?il cachait chez lui une véritable fortune. On lui a reproché non pas d?être riche, mais d?avoir accepté les dons normalement destinés aux veuves, aux orphelins et aux autres démunis de la communauté. Il a donc tenté de compromettre l?équilibre social, tel que prôné par le conseil des sages. Ce dernier l?a donc puni sévèrement en refusant de lui accorder le privilège de la toilette mortuaire lorsque son heure vint. La pire des sanctions. Cet usage auquel tous les habitants du M?zab adhèrent, viendrait du fin fond des âges. Il fait partie d?un code interne qui régit la désormais ouverte ville citadelle de Beni Yezguen. Un code appliqué dans toute sa rigueur par un collège d?habitants choisis pour leur érudition, leur probité et leur sens de l?honneur.