Le noir n?est donc pas une couleur totalement négative, bien au contraire. De nombreux exemples, anciens et modernes, illustrent cette croyance. Ainsi, les Romains distinguaient, dans leur langage, deux variétés de noir : niger, qui se rapporte au noir brillant (c?est lui qui a donné, en français, le mot «noir») et ater, noir terne, que l?on retrouve, par exemple, dans «atrabilaire», c'est-à-dire d?humeur chagrine. Alors que le second terme était négatif, désignant la tristesse et la mélancolie, le premier avait, au contraire, un sens positif. L?opposition entre un «noir brillant» positif et un «noir terne» se retrouve en Afrique noire : le beau teint est le noir brillant, alors que le terne est signe de maladie ou de faiblesse. D?ailleurs, pour les Anciens et encore aujourd?hui, si le noir brillant est recherché, c?est parce qu?il est difficile à obtenir. En peinture, par exemple, c?est une couleur qu?on ne fabrique qu?en petite quantité parce qu?elle nécessite l?emploi de produits coûteux comme l?ivoire calciné. A l?inverse, le noir terne, ou commun, était fabriqué avec des résidus de fumée et il était bon marché. Les anciens peintres, qui n?avaient pas les moyens d?acquérir de beaux noirs, utilisaient très peu cette couleur et la remplaçaient par des couleurs sombres. Deux sens, positif et négatif, se retrouvent dans la racine arabe SWD/ SYD, qui exprime l?idée générale de «noirceur» ; cette racine a donné à la fois aswad (noir) et sayyid (seigneur, maître) ainsi que «noble, généreux» : la couleur noire symbolisant aussi chez les anciens Arabes, la force, les qualités morales et l?autorité.