Résumé de la 30e partie n Abriza et Grain-de-Corail ne se doutent pas des funestes desseins de l?esclave Morose qu?elles appelèrent à leur secours. Alors la reine Abriza dit : «O nègre, fils de nègre, ô fils des esclaves ! tu oses ainsi t'exhiber devant ma figure ! Quelle honte est la mienne d'être maintenant, sans défense, entre les mains du dernier d'entre les esclaves noirs ! Misérable ! Qu'Allah seulement m'aide à me délivrer de l'état où je suis et à guérir et je punirai ton insolence de ma propre main ! Plutôt que de me voir toucher par toi, je préférerais me tuer moi-même et en finir avec mes souffrances et les malheurs de ma vie !» Et elle récita ces strophes : «O toi qui ne cesses de me poursuivre, quand donc finiras-tu ? Suffisamment, j'ai goûté à la dureté des épreuves suscitées par mon sort et mon destin. mais j?espère que le Seigneur me délivrera du moins des brutes violatrices. «Pourquoi persistes-tu ? Ne t'ai-je point dit que je n'ai nulle envie ni penchant aucun pour la débauche basse ?... Assez donc de me regarder avec cet ?il avide de misérable affamé ! Et n'espère point me jamais toucher, à moins de me couper d'abord en morceaux avec le tranchant d'un glaive à la lame trempée dans l'Yaman. «Et n'oublie point que je suis une d'entre les pures, une d'entre les nobles et les plus sublimes de sang ! Comment donc, esclave, oses-tu vers moi lever les yeux, toi qui es loin d'appartenir à une race élégante et raffinée ?» Lorsque le nègre Morose eut entendu ces vers, il entra dans une fureur très grande et sa figure se congestionna de haine et ses traits se convulsèrent de dépit et ses narines s'enflèrent et ses grosses lèvres se contractèrent et tout son être trépida ; et il récita ses strophes : «O femme ! ne me repousse point ainsi, victime de ton amour, massacré par tes regards triomphants ! Mon c?ur déjà est morcelé de t'espérer ! Et mon corps entièrement épuisé avec ce qui restait en moi de patience. «Ta voix, seulement à l'entendre, m'ensorcelle et me captive. Et tandis que je suis tué par le désir, je m'aperçois que ma raison s'est envolée. «Mais je t'avise, ô implacable, que, couvrirais-tu même la terre de tes gardes et défenseurs, je saurais atteindre le but de mes désirs et boire l'eau dont je suis privé, l'eau naturelle qui me désaltérerait !» En entendant ces vers, Abriza se mit à pleurer de colère et s'écria : «Indécent esclave, ô nègre adultérin, penses-tu donc que toutes les femmes se ressemblent et oses-tu encore continuer à me parler de la sorte ?» Alors le nègre Morose, voyant qu'Abriza le repoussait absolument, ne put plus se contenir de fureur ; et il s'élança sur elle, l'épée à la main ; et il la saisit par les cheveux et lui passa son arme à travers le corps. Et ce fut de la main de ce nègre que mourut, de la sorte, la reine Abriza. Alors le nègre Morose se hâta de s'emparer des mulets chargés des richesses et des biens d'Abriza et, les poussant devant lui, s'enfuit à toute vitesse dans les montagnes. Quant à la reine Abriza, elle avait, en expirant, accouché d'un fils entre les mains de la fidèle Grain-de-Corail qui, dans sa douleur, s'était couvert la tête de poussière et déchiré les habits et frappé les joues à en faire jaillir le sang ; et elle s'était écriée : «O ma maîtresse infortunée ! Comment, toi la guerrière, la valeureuse, finir de cette manière sous les coups d'un misérable esclave noir !» (à suivre...)