Musique n Qu'en est-il du chaâbi ? Cette interrogation, qui résume toute la réalité actuelle de ce genre musical, fait l'objet d'un débat passionné. Lors d'une rencontre-débat qui a eu lieu, hier, à la salle Ibn Khaldoun, nombreux sont ceux qui s'interrogeaient sur un patrimoine musical se trouvant dans une situation problématique. Si certains tentent d'insuffler une nouvelle dynamique au chaâbi, d'apporter ne serait-ce qu'un soupçon de changement, d'autres, en revanche, réagissent contre tout acte d'innovation. Une chose est sûre : le chaâbi est malade de ses interprètes. Car c'est un patrimoine sans cesse exploité et même à l'excès. «Notre patrimoine, qu'est le chaâbi, est surexploité», a lancé Chercham, déplorant aussitôt le manque d'intérêt des jeunes pour le renouveau. Yacine Bouceba a, pour sa part, appelé les jeunes à faire preuve d'un réel intérêt pour le chaâbi, un intérêt qui doit se traduire par le travail et la création. «Il faut que les jeunes fassent de la recherche, il faut qu'ils s'imposent par leur propre travail, par leur propre composition» a-t-il dit. Il ne faut plus, selon lui, continuer à interpréter les mêmes textes, même si chacun prétend y avoir ajouté une touche personnelle. «C'est bien de puiser dans le répertoire des maîtres qui est, pour nous, une référence, mais il est essentiel, et cela pour le renouveau et la continuité du chaâbi d'œuvrer dans la composition de nouveaux textes et la recherche de mélodies inédites», a-t-il souligné. Quant à Boualem Rahma, il n'hésite pas à dénoncer quelques indélicats : «Ceux qui font dans les reprises, il est clair qu'ils ne veulent pas travailler, ils ne veulent pas se fatiguer, se casser la tête, ils aiment bien seulement travailler dans la facilité.» Il se trouve effectivement que ce sont les mêmes textes qui reviennent à chaque prestation musicale et il se trouve aussi que chacun prétend innover dans l'interprétation ou dans l'orchestration. Tous, en somme, continuent à ressasser les mêmes chansons qui, à la longue, finissent par lasser l'ouïe et la détourner en conséquence d'une identité culturelle. Car demeurant captif d'un état d'esprit traditionaliste et sclérosé, le chaâbi ne répond plus à une sensibilité d'époque, et ce qui est dit dans les textes ne reflète nullement la réalité présente de la société algérienne. Cela fait que ce patrimoine choit d'emblée dans la platitude et dans un registre désuet. D'où l'urgence de réfléchir sérieusement à un travail de composition permettant ainsi d'accrocher derchef un large public. l Travailler dans le renouveau ne signifie pas délaisser ce qui a été fait par les maîtres. Bien au contraire, il faut aussi bien tenir compte du vieux répertoire qui est une richesse et considéré à l'évidence comme une source de référence inestimable – aussi bien au plan historique, littéraire que musical – mais tout en ayant un esprit ouvert à la création. Puisque l'on ne peut œuvrer dans la composition, donc dans la continuité si l'on n'a pas déjà un acquis culturel relatif à ce patrimoine. Il faut penser à considérer le chaâbi, celui qui a été pratiqué par les «doyens», comme une base sur laquelle les nouvelles générations peuvent rebondir sur des interprétations inédites. C'est-à-dire il faut prendre ce chaâbi comme un enseignement pour pouvoir impulser une nouvelle dynamique à une musique qui se veut, par essence, régénératrice, et non pas comme un patrimoine figé, intangible. Le chaâbi vit aux rythmes des pulsations des époques, nourri par la sensibilité des générations, et il ne peut, du coup, se cantonner à un seul contexte social et historique. Œuvrer ainsi et dans la conservation – écartant de ce fait tout risque de perdition – et dans le renouveau, donc dans la recherche et la création semble être deux actions évidentes et nécessaires pour la pérennité du chaâbi.