Résumé de la 101e partie n Leurrés par son physique et son verbe malicieux, Daoul'makân et Scharkan sont convaincus de la sainteté du vieil ascète, en réalité Mère-des-Calamités. Elle gagne leur confiance. Alors les deux frères lui prirent encore les mains et les baisèrent et voulurent donner l'ordre de lui apporter à manger, mais elle refusa en disant : «Je suis dans le jeûne depuis bientôt quinze ans, et je ne puis, maintenant qu'Allah m'a accordé tant de faveurs, être assez impie pour couper ce jeûne et mon abstinence, mais, peut-être, au coucher du soleil, mangerai-je un morceau.» Alors ils n'insistèrent pas ; mais, le soir venu, ils firent apprêter les mets et les lui présentèrent eux-mêmes, mais la perfide refusa encore en disant : «Ce n'est point le temps de manger, mais de prier le Très-Haut !» Et aussitôt elle se mit dans l'attitude de la prière au milieu du mihrab. Et elle resta ainsi à prier toute la nuit, sans prendre de repos, et aussi les deux nuits suivantes. Alors les deux frères furent pris pour elle d'une grande vénération, la croyant toujours un homme, un saint ascète, et ils lui donnèrent une grande tente pour elle seule et des serviteurs spéciaux et des cuisiniers ; et à la fin du troisième jour, comme elle persistait à ne prendre aucune nourriture, les deux frères vinrent eux-mêmes la servir et lui firent porter dans sa tente tout ce que l'œil et l'âme peuvent souhaiter de choses agréables. Mais elle ne voulut toucher à rien et ne mangea qu'un morceau de pain et un peu de sel. Aussi le respect des deux frères ne fit qu'augmenter, et Scharkân dit à Daoul'makân : «En vérité, cet homme a absolument renoncé à toutes les jouissances de ce monde ! Et n'était cette guerre qui m'oblige à combattre les mécréants, je me consacrerais entièrement à sa dévotion, et je le suivrais toute ma vie pour avoir sur moi ses bénédictions ! Mais allons le prier de nous entretenir un peu, car demain nous devons marcher sur Constantinia, et nous n'aurons pas meilleure occasion de profiter de ses paroles.» Alors le grand vizir Dandân dit : «Moi aussi je voudrais bien voir ce saint ascète et le prier de faire des vœux pour moi, afin que je puisse trouver la mort dans la guerre sainte et aller me présenter devant le Souverain Maître car j'en ai assez de cette vie.» Alors tous les trois prirent le chemin de la tente qu'habitait cette perfide vieille Mère-des-Calamités ; et ils la trouvèrent enfoncée dans l'extase de la prière. Alors ils se mirent à attendre qu'elle eût fini de prier ; mais comme, au bout de trois heures d'attente, malgré les pleurs d'admiration qu'ils versaient et leurs sanglots, elle ne se départait pas de cette attitude à genoux et ne leur prêtait pas la moindre attention, ils s'avancèrent vers elle et baisèrent la terre. Alors elle se releva, et leur souhaita la paix et la bienvenue et leur dit : «Que venez-vous donc faire à cette heure ?» Ils répondirent : «O saint ascète, il y a déjà plusieurs heures que nous sommes ici. N'as-tu pas entendu nos pleurs ?» Elle répondit : «Celui qui se trouve en présence d'Allah ne peut entendre ni voir ce qui se passe dans ce bas monde !» Ils lui dirent : «Nous venons te voir, ô saint ascète, pour te demander ta bénédiction avant le grand combat et pour entendre, de ta bouche, le récit de ta captivité chez les mécréants que nous allons, demain, avec l'aide d'Allah, exterminer jusqu'au dernier !» (à suivre...)