Résumé de la 120e partie n Daoul'makân est submergé par le chagrin. Ses compagnons s'inquiètent. Dans cette ambiance lugubre, une bonne nouvelle vient de Bagdad. Va-t-il donner l'assaut à Constantinia ou rentrer pour voir son nouveau-né ? Lorsque Daoul'makân eut parcouru cette lettre, il respira longuement et s'écria : «Maintenant, ô vizir, qu'Allah m'a gratifié de mon fils Kanmakân, mon deuil est atténué et mon cœur recommence à vivre ! Aussi nous faut-il songer à célébrer dignement la fin de ce deuil de mon défunt frère, selon nos coutumes.» Et le vizir répondit : «L'idée est juste.» Et aussitôt il fit dresser de grandes tentes autour du tombeau de Scharkân où prirent place les lecteurs du Coran et les imams ; et on immola une grande quantité de moutons et de chameaux, dont on distribua la chair aux soldats ; et on passa toute cette nuit dans la prière et la récitation du Coran. Mais, le matin, Daoul'makân s'avança vers la tombe où reposait Scharkân, et qui était toute tendue d'étoffes précieuses de la Perse et du Cachemire, et devant l'armée entière... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Quand vint la cent sixième nuit, elle reprit son récit. Elle dit : Daoul'makân s'avança près de la tombe où reposait Scharkân et qui était toute tendue d'étoffes précieuses de la Perse et du Cachemire et, devant l'armée entière, il versa des pleurs abondants et improvisa ces strophes à la mémoire du défunt : «O Scharkân, ô mon frère, voici que sur mes joues mes larmes ont écrit des lignes régulières, significatives plus que les rythmes réguliers des vers, désolées, suggestives, à tous les regards qui les liront, de ma douleur, ô mon frère ! «Derrière ton cercueil, ô Scharkân, avec moi tous les guerriers sortirent en pleurant. Et ils lançaient des cris douloureux plus haut que le cri de Moussa sur le Jabal-Tor. «Et nous arrivâmes tous à ton tombeau dont la fosse est creusée plus profondément dans le cœur de tes guerriers que dans la terre où tu reposes, ô mon frère ! «Hélas, ô Scharkân ! Comment eussé-je pu supposer voir mon bonheur ensemble avec toi sous le linceul du brancard, sur les épaules des porteurs ! «Où es-tu, astre de Scharkân dont la clarté faisait confuses dans la poussière toutes les étoiles des cieux ? «L'abîme infini de la tombe qui te recèle, ô joyau, est lui-même illuminé de la clarté que tu lui apportes, au sein de notre mère finale, mon frère ! «Et le linceul lui-même qui te recouvre, les plis du linceul, à ton contact prirent vie et s'étendirent et comme des ailes, te protégèrent !» Lorsque Daoul'makân eut fini de réciter ces vers, il fondit en larmes et, avec lui, toute l'armée poussa de grands soupirs. Alors s'avança le vizir Dandân et se jeta sur le tombeau de Scharkân et l'embrassa et, la voix étranglée par les larmes, il récita ces vers du poète : «O sage ! Tu viens d'échanger les choses périssables pour celles immortelles. En cela tu suivis l'exemple de tous tes prédécesseurs dans la mort. «Et tu as pris ton essor, sans hésiter, vers les hauteurs, là où les blancheurs étales des roses font des tapis parfumés sous les pieds des houris. Puisses-tu t'y délecter de toutes choses nouvelles ! «Et veuille Le Maître du Trône illuminé te réserver la place la meilleure de son paradis, et mettre à portée de tes lèvres les joies réservées aux justes de la terre !» (à suivre...)