Absence n Finalement, l'issue au conflit de 31 jours ayant généré une tragédie dont le peuple libanais a fait les frais aura été trouvée sans les Arabes. l La diplomatie française n'a pas raté l'occasion de marquer un retour en force sur la scène internationale et notamment proche-orientale, se portant au secours d'une Condoleezza en panne d'idées et pratiquement chassée par un gouvernement libanais trop en colère pour prêter une oreille attentive aux leçons de morale de l'oncle Bush. Ce dernier lisait L'Etranger de Camus dans son ranch de vacances quand les enfants libanais tombaient sous les bombes que, lui, a vendues à l'Etat hébreu. L'embarras de sa secrétaire d'Etat ne semblait pas l'émouvoir outre mesure. A chacun son travail. C'est qu'elle en avait des raisons d'être embarrassée. Avec leurs alliés israéliens auxquels ils avaient donné le feu vert pour une agression barbare et à grande échelle contre le Liban, les têtes pensantes des Etats-Unis d'Amérique avaient fait de faux calculs. Ils avaient tablé d'abord sur une courte et très moyenne résistance du Hezbollah, ce qui aurait permis à Tsahal de le démanteler rapidement. Ils comptaient ensuite sur une désolidarisation du peuple et du gouvernement libanais qui aurait fait porter la totale responsabilité de l'agression israélienne au mouvement chiite. Rien de tout cela n'eut lieu. Le Hezbollah s'avéra un adversaire coriace qui infligea de lourdes pertes à Tsahal. Quant aux Libanais, ils ont été tout simplement héroïques et surtout plus solidaires que jamais. Evidemment, certaines voix se sont élevées hostiles au Hezbollah, mais celui-ci a gagné dans ce conflit et grâce à Israël, ce qu'il n'a pas pu faire depuis des années. Qu'ils soient chrétiens, sunnites, chiites, druzes ou maronites, les Libanais, et tous les musulmans en vérité, se sont reconnus en lui, le considérant comme celui qui a sauvé leur fierté et leur dignité. Prise de court par une tournure des événements, pour le moins inattendue, Condoleezza Rice, empêtrée, multipliait les annonces sur des accords qui ne voyaient jamais le jour et des cessez-le-feu qu'elle semblait être la seule à entrevoir. Les diplomaties arabes, quant à elles, ont toutes brillé par leur absence, à l'image des gouvernements. Après que l'Egypte et la Jordanie eurent déclaré au début du conflit que ce qui arrivait au Liban était la seule faute au Hezbollah, le sujet était clos. C'est alors qu'un Chirac bronzé, interrompant ses vacances, a entrevu l'occasion rêvée pour lui et son pays d'agir. Quel que soit le devenir du cessez-le feu, ce conflit aura eu des conséquences certaines sur le plan politique : la France a marqué un grand coup diplomatique quand les pays arabes se sont illustrés par une léthargie et un suivisme affligeant (il aura fallu attendre 28 jours de tueries pour qu'ils se réunissent enfin et pour quel résultat ? ). L'autre conséquence est que plus que jamais la rupture entre gouvernants et gouvernés arabes et musulmans est consommée. Enfin, peut-être que ce conflit fera réfléchir le citoyen occidental — les pouvoirs le savent déjà — au fait que tout ce qu'on lui raconte sur le terrorisme n'est peut-être pas vrai et qu'il y a une différence entre résister à l'hégémonie américano-israélienne et terroriser. Alors le millier de victimes libanaises ne seront pas mortes pour rien.