Résumé de la 23e partie n Persuadée que le prince Diadème va être décapité, Sett-Donia tente de se donner la mort. Mais contre toute attente, leur mariage est célébré en grande pompe. Aussi le roi Daoul'makân fut prompt à prendre ses résolutions, et il appela les trois grands chefs Bahramân, Rustem et Turkash, et en présence du vizir Dandân, leur dit : «Vous êtes témoins de ce qui a lieu, et de la fatigue qui pèse sur nous tous par suite de ce siège de malheur, et des fléaux irrémédiables que la vieille Mère-des-Calamités a fait tomber sur nos têtes, ne serait-ce seulement que la mort de mon frère, l'héroïque Scharkân. Réfléchissez donc sur ce qui nous reste à faire, et répondez-moi comme il faut que vous répondiez !» Alors les trois chefs de l'armée baissèrent la tête et réfléchirent longuement ; puis ils dirent : «O roi, le vizir Dandân est plus expérimenté que nous tous, et il a vieilli dans la sagesse !» Et le roi Daoul'makân se tourna vers le vizir Dandân et lui dit : «Nous sommes tous ici dans l'attente de tes paroles !» Alors le vizir Dandân s'avança entre les mains du roi et dit : «Sache, ô roi du temps, qu'il nous est, en effet, désormais nuisible de demeurer plus longtemps sous les murs de Constantinia. D'abord tu dois toi-même, ô roi, être pris du désir de revoir ton jeune fils Kanmakân et aussi ta nièce Force-du-Destin, fille de notre défunt prince Scharkân, laquelle est à Damas, dans le palais, avec les femmes. Et puis tous ici nous sentons vivement la douleur d'être si loin de notre pays et de nos maisons. Mon idée est donc que nous retournions à Bagdad, quitte à revenir ici, plus tard, pour ne laisser de cette ville mécréante que juste de quoi faire nicher les corbeaux et les vautours !» Et le roi dit : «En vérité, ô mon vizir, tu as répondu selon mes vues !» Et aussitôt il fit annoncer à tout le camp, par les crieurs publics, que dans trois jours devait avoir lieu le départ. Et, en effet, le troisième jour, bannières au vent et trompettes sonnantes, l'armée leva le campement et reprit le chemin de Bagdad. Et après des jours et des nuits elle arriva dans la Ville-de-Paix, où elle fut reçue avec de grands transports de joie par tous les habitants. Mais pour ce qui est du roi Daoul'makân, le première chose qu'il fit fut d'aller voir et d'embrasser son fils Kanmakân qui venait d'atteindre sa septième année d'âge ; et la seconde chose qu'il fit fut d'appeler à lui son ancien ami, le vieux chauffeur du hammam. Et lorsqu'il le vit, il se leva du trône en son honneur et l'embrassa et le fit s'asseoir à ses côtés, et le loua énormément devant tous ses émirs et tous les assistants. Or, pendant tout cet espace de temps, le chauffeur du hammam était devenu méconnaissable, à force de manger, de boire et de se reposer ; il avait grossi à la limite de l'embonpoint ; son cou était devenu comme le cou d'un éléphant, son ventre comme le ventre d'une baleine et sa figure aussi luisante qu'un pain arrondi sortant du four. Donc il avait commencé par se défendre d'accepter l'invitation que lui faisait le roi de s'asseoir à côté de lui, et lui avait dit : «O mon maître, qu'Allah me préserve de commettre pareil abus ! Il y a longtemps qu'ils sont passés les jours où il m'était permis d'oser m'asseoir en ta présence !» Mais le roi Daoul'makân lui avait dit : «Ces jours ne peuvent maintenant, pour toi, que recommencer, ô mon père ! Car c'est toi qui m'as sauvé la vie !» Et il avait obligé le chauffeur à s'asseoir avec lui sur le grand lit du trône. Alors le roi dit au chauffeur : «Je veux te voir me demander une faveur, car je suis prêt à t'accorder tout ce que tu désires, fût-ce même le partage de mon royaume ! Parle donc, et Allah t'écoutera !» (à suivre...)