Tradition n Pratiquement abandonné par les femmes auréssiennes le reste de l'année, le tadjine, ustensile utilisé pour la cuisson de la traditionnelle kesra, fait l'objet d'une demande exceptionnelle chaque ramadan. Artisane spécialisée dans la fabrication du tadjine, étalant ses produits à même le sol en face de la mosquée El-Atik du centre-ville, El-Hadja Noua, qui incarne une partie du patrimoine culturel et artisanal de la région, confirme l'engouement exceptionnel pour cet ustensile pendant le mois sacré. Le tadjine grenu est le plus demandé car idéal pour le cuisson de la kesra khmira (galette à la levure) particulièrement consommée durant le f'tour. Le prix de cet ustensile varie de 200 à 350 DA selon la qualité de l'argile et de sa fabrication. Certains tadjines exigent une terre spéciale et l'artisane doit parcourir des kilomètres pour trouver la matière première. Ce qui explique la gamme variée des prix qui tient également compte du temps et de l'effort mis dans la fabrication. Plusieurs heures sont en effet passées par les artisanes dans la seule étape de tamlis, littéralement «polissage», au terme de laquelle le tadjine reçoit sa forme finale. Il est ensuite exposé au soleil pour sécher avant d'être placé dans un four pour lui donner sa rigidité. Quant aux dessins en relief en forme de cercles concentriques agrémentant le tadjine grenu et qui empreignent la galette et lui donnent son élégance, elle lui sont données alors que sa pâte est encore molle par l'artisane. La poterie, essentiellement pour la confection du tadjine, est une activité exclusivement féminine qui est pratiquée dans la région depuis des temps reculés. Des femmes, munies d'un baluchon capable de contenir leurs produits qu'elles calent soigneusement sur leur dos, vont de villages en villes faire du porte-à-porte afin d'écouler leur marchandise. D'autres choisissent d'exposer leurs produits sur les axes routiers fréquentés. Fragile et cassable, le tadjine d'argile ne compte pas laisser sa place à son concurrent en métal, pourtant plus robuste et résistant aux inévitables chocs dans les cuisines. Le secret réside, selon les ménagères, dans le goût et la qualité des galettes qui y sont cuites. Presque tous les ustensiles des ménages auréssiens étaient à base d'argile jusqu'à il y a quelques décennies. L'introduction des ustensiles métalliques s'est faite progressivement et a fini, aujourd'hui, par remplacer les anciennes marmites et plats d'argile des grand-mamans. Mais les fins gourmets font appel à ces vieux objets pour retrouver les saveurs d'antan balayées, dit-on, par les métaux durs de la modernité.