Le Forum des chefs d'entreprises (FCE) vient de tirer la sonnette d'alarme sur un fléau au coût économique énorme. Ils sont plus de 40 000 chercheurs algériens à avoir quitté le pays depuis 1996. A titre d'illustration, sur 10 000 médecins étrangers installés en France, 7 000 sont Algériens. En dix ans, plus de 40 000 chercheurs algériens ont quitté le pays. Entre 1992 et 1996, ce sont plus de 3 000 informaticiens qui ont fui l'Algérie. Une perte qui, selon un rapport du Cnes, représenterait l'équivalent de ce qu'ont formé les universités algériennes pendant dix ans et un coût économique énorme. Le dernier rapport du même Cnes sur ce sujet (juillet 2005) estime que sur un total de 10 000 médecins étrangers immigrés en France, plus de 7 000 sont Algériens dont 2 000 pour la seule région parisienne. Entre 2000 et 2006, il est signalé quelque 71 500 départs de diplômés algériens vers la France. Pis encore, la communauté algérienne aux Etats-Unis, composée de quelque 18 000 personnes, compte pas moins de 3 000 chercheurs et universitaires de très haut rang. Pour sa part, l'Institut national de la statistique et des études économiques français (Insee) a recensé pas moins de 99 000 chefs d'entreprise d'origine algérienne en Europe, dont la moitié en France. Cette diaspora emploie, toujours selon l'Insee, environ 2,2 millions de personnes et leur chiffre d'affaires global consolidé dépasserait les 15 milliards d'euros. Le Canada est, pour sa part, devenu une terre d'accueil pour de très nombreux cadres algériens hautement qualifiés. La communauté nationale dans ce pays étant estimée à plus de 40 000 personnes. En étalant cette panoplie de chiffres, alarmants à bien des égards, le Forum des chefs d'Entreprise (FCE), réuni hier soir à l'hôtel El-Aurassi, s'est assigné la tâche de décortiquer le phénomène de la fuite des cerveaux en essayant d'apporter, à défaut de solutions, quelques éléments de réflexion. Pour Omar Ramdane, président du FCE, l'exode de l'élite a un coût économique énorme. «Le coût de la formation d'un chercheur algérien est de l'ordre de 150 000 euros. L'Algérie a subi une perte d'au moins 40 milliards de dollars, uniquement pour la période comprise entre 1992 et 1996», a-t-il regretté, avant d'ajouter que «si l'on s'intéressait à la plus-value qu'aurait pu créer chaque individu en termes de progrès, d'intelligence et de richesses, la perte réelle serait tout simplement incommensurable». Parmi les causes profondes de cette expatriation, on peut citer l'inadéquation de l'environnement professionnel, l'acuité des difficultés matérielles, la non-reconnaissance de leur statut socio-professionnel et de leurs compétences et fondamentalement la faiblesse du développement technologique du pays. D'autres chiffres inquiétants laissent présager que la saignée n'est pas près de s'estomper : le nombre de chercheurs permanents est passé de 2 700 en 1999 à moins de 1 300 en 2005, le salaire d'un directeur de recherche algérien est de l'ordre de 500 euros alors qu'il est de 900 euros en Tunisie, 1 200 au Maroc et pas moins de 6 000 euros dans les pays développés. Cette situation des plus critiques fait entrer l'Algérie dans un véritable cercle vicieux : ses intellectuels doués n'ont pas la possibilité d'employer leurs compétences dans leur propre pays, lequel devient de plus en plus déficitaire en cadres qualifiés et, du coup, doit faire appel à l'expertise étrangère pour compenser, au prix fort, l'exode de sa propre élite.