Résumé de la 45e partie n Le Bédouin raconte l'histoire d'une rencontre qu'il aurait faite dans une oasis perdue au milieu d'un désert hostile. «A ces paroles, le jeune homme bondit vers l'extrémité de sa tente et me dit : ”Arrière, ô scélérat qui méconnais l'hospitalité ! La lutte entre nous livrera le vaincu à discrétion !” Et il détacha du poteau où ils pendaient son glaive et son bouclier, tandis que je m'élançais du côté où paissait mon cheval et que je sautais en selle et me tenais en garde. Et le jeune homme, s'étant armé, sortit également et enfourcha son cheval et il se disposait déjà à le lancer, quand la jeune fille, sa sœur, sortit, les yeux pleins de larmes, et s'attacha à ses genoux qu'elle embrassa en récitant ces vers : ”O mon frère, voici que pour défendre ta sœur fragile, tu t'exposes au sort de la lutte et aux coups d'un ennemi que tu ne connais pas ! ”Que puis-je, sinon faire des vœux au Donateur de la victoire pour ton triomphe, et pour que je me garde intacte de toute souillure et conserve pour toi seul le sang de mon cœur? ”Mais si la destinée farouche te ravissait à mon âme, ne crois point qu'un pays puisse me voir vivante, fût-il le plus beau de tous les pays, et débordant des produits de toute la terre. Et ne crois point que je te survive un instant ; car la tombe recèlera nos corps unis dans le trépas comme dans la vie !” «Lorsque le jeune homme eut entendu ces vers désolés de sa sœur, ses yeux se remplirent de larmes et il se pencha vers la jeune fille et souleva légèrement le voile qui lui cachait le visage et l'embrassa entre les yeux ; et cela me permit de voir pour la première fois les traits de la jeune fille : elle était exactement aussi belle que le soleil qui apparaît soudain sortant d'un nuage ! Puis le jeune homme tint un instant la tête du cheval du côté de la jeune fille et récita ces vers : ”Arrête-toi, ô sœur, et regarde les prodiges que mon bras accomplira. ”Si pour toi, ô ma sœur, je ne combats pas, pourquoi donc mes armes et mon cheval ? ”Et si pour te défendre je ne lutte pas, pourquoi dont la vie ? ”Et si je recule quand il s'agit de ta beauté, n'est-ce point un signe pour les oiseaux de proie de se jeter sur un corps sans âme désormais ? ”Quant à celui-là, qui se dit redoutable et nous vante la fermeté de son courage, je vais, sous tes yeux, lui faire sentir un coup qui le perforera du cœur au talon !” «Puis il se tourna vers moi et me cria : ”Et toi qui souhaites la jouissance après ma mort, à tes dépens va s'accomplir un exploit qui remplira les livres à venir ! Car moi qui construis ces vers au rythme guerrier, je suis celui qui enlèvera ton âme avant que tu puisses seulement t'en douter !” «Et il lança son cheval contre le mien et, d'un coup, il envoya mon épée voler au loin et, sans me laisser le temps de piquer des deux et de filer dans le désert, il me saisit dans sa main et m'enleva de ma selle comme on enlève un sac vide, et me lança comme une balle en l'air, et me rattrapa au vol sur sa main gauche, et me soutint ainsi, le bras tendu, comme s'il eût tenu sur le doigt un oiseau apprivoisé. Quant à moi, je ne savais plus si tout cela n'était point un songe noir ou si ce jeune homme, aux joues soyeuses et rosées, n'était pas un génie qui habitait sous cette tente avec une houria ! Et d'ailleurs ce qui se passa après me fit supposer qu'il devait plutôt en être ainsi. «En effet, lorsque la jeune fille vit le triomphe de son frère, elle s'élança vers lui et l'embrassa sur le front et se suspendit joyeuse au cou de son cheval, qu'elle conduisit elle-même jusqu'à la tente. Là, le jeune homme descendit en me tenant sous le bras comme un paquet, me posa à terre, me fit mettre debout et, me prenant la main, il me fit entrer sous la tente, au lieu de m'écraser la tête sous ses pieds ; et il dit à sa sœur : ”Il est désormais l'hôte qui est entré sous notre protection ; traitons-le donc avec égards et avec douceur.”» (à suivre...)