Résumé de la 46e partie n Le Bédouin continue à raconter ce qui lui est arrivé dans le désert aride, où il a rencontré un adolescent et sa sœur. Le Bédouin continua sa narration : «Et le jeune homme me fit asseoir sur la natte ; et la jeune fille mit derrière moi un coussin pour mieux me faire reposer ; puis elle s'occupa de remettre en place les armes de son frère, et de lui apporter l'eau parfumée et de lui laver le visage et les mains ; puis elle le vêtit d'une robe blanche en lui disant : ”Qu'Allah, ô mon frère, fasse parvenir ton honneur à l'extrême limite de la blancheur, et qu'il te mette comme un grain de beauté sur la face glorieuse de nos tribus !” «Et l'adolescent lui répondit par ces vers : ”O ma sœur, au sang limpide, de la race des Bani-Thâlaba! tu m'as vu sur le terrain de la lutte, combattant pour tes yeux !” «Elle répondit : ”Les éclairs de ta chevelure éparse sur ton front t'auréolaient de leur lueur, ô mon frère !” «Il reprit : ”Voici les lions des solitudes finies ! O ma sœur, conseille-leur de retourner sur leurs pas ! Je ne voudrais point que la honte les tînt à jamais dans la poussière mordue par leurs dents !” «Elle répondit : ”O vous tous ! c'est mon frère Ebad ! Tous ceux du désert le connaissent par sa vaillance, ses exploits et la noblesse de ses ancêtres ! Reculez ! Et toi, Bédouin Hamad ! tu as voulu lutter contre un héros qui t'a fait voir la mort ramper vers toi comme un serpent prêt à fondre sur sa proie !” «Or, moi, en voyant tout cela et en entendant ces vers, je fus dans une grande perplexité ; et je fus un retour sur moi-même et je constatai combien j'étais devenu petit à mes propres yeux et combien ma laideur était grande en comparaison de la beauté de ces deux adolescents ! Mais bientôt je vis la jeune fille apporter à son frère un plateau couvert de mets et de fruits, sans qu'elle me jetât un seul regard, fût-il même méprisant, comme si j'étais quelque chien dont la présence dût passer inaperçue. Et pourtant, malgré tout, je continuais à la trouver plus merveilleuse encore, surtout quand elle se mit à offrir à manger à son frère, en le servant elle-même et en se négligeant elle-même pour qu'il ne manquât de rien. Mais le jeune homme finit par se tourner de mon côté et m'invita à partager le repas avec lui : alors je poussai un soupir de soulagement, car je me sentais désormais certain d'avoir la vie sauve. Et il me tendit lui-même une porcelaine de lait caillé et une soucoupe pleine d'une décoction de dattes dans l'eau aromatisée. Et je mangeai et je bus en tenant la tête basse, et je lui jurai mille et cinq cents serments que j'étais désormais le plus fidèle de ses esclaves et le plus acquis à sa dévotion. Mais il sourit et fit un signe à sa sœur qui se leva aussitôt et ouvrit une grande caisse et en tira une à une dix robes admirables, plus belles les unes que les autres ; elle en mit neuf dans un paquet et m'obligea à l'accepter ; puis elle me força à me vêtir de la dixième. Et c'est cette dixième, si somptueuse, dont vous me voyez, ô vous tous, en ce moment habillé ! «Après quoi, le jeune homme fit un second signe, et l'adolescente sortit un instant pour revenir aussitôt ; et je fus invité par eux deux à aller prendre possession d'une chamelle chargée de toutes sortes de vivres et aussi de cadeaux que j'ai conservés précieusement jusqu'aujourd'hui. Et m'ayant ainsi comblé de toutes sortes d'égards et de présents, sans que j'eusse fait quoi que ce soit pour les mériter, au contraire ! ils m'invitèrent à user de leur hospitalité autant de temps qu'il me plairait. Mais, ne voulant plus abuser de rien, je pris congé d'eux en embrassant sept fois la terre entre leurs mains et, ayant enfourché mon alezan, je pris la chamelle par le licou et je me hâtai de retourner sur le chemin du désert d'où j'étais venu». (à suivre...)