Dilemme n Les médecins en arrivent à jouer «les imams» pour tenter de convaincre les malades de ne pas pratiquer le jeûne. Dans les différents Centres hospitalo-universitaires (CHU), le ramadan est synonyme de flux considérables de patients venus pour des consultations ou même des hospitalisations, dans la seule branche de la diabétologie. Au CHU Mentouri de Kouba, comme ailleurs, on enregistre une moyenne d'une cinquantaine de consultations par jour. «Le pic a été constaté les deux premiers jours du ramadan, une période où les diabétiques encourent un réel danger avec les changements brutaux dans leur métabolisme», avertit le Dr Nassima B., spécialiste en médecine interne. «Les sujets insulino-dépendants sont, médicalement parlant, interdits d'observer le jeûne, car ils sont obligés de manger pour stabiliser leur insuline après chaque injection. En revanche, les malades atteints du diabète de type II peuvent jeûner, mais doivent impérativement être sur leurs gardes, respecter surtout la posologie adaptée. Ils doivent mesurer deux fois par jour leur taux de glycémie, adopter un régime alimentaire spécifique, faire des exercices sportifs, prendre du repos après la rupture du jeûne. Mais de cette catégorie, nous praticiens, nous excluons les diabétiques qui présentent par exemple une insuffisance rénale, une cardiopathie sévère (cardiomyopathie) et évidemment un taux anormal d'hypertension artérielle. Pour ceux-ci, il est hors de question de jeûner, car ils encourent un réel danger», explique notre interlocutrice, qui regrette tout de même «l'indiscipline» de certains malades chroniques pour qui la tentation de jeûner est tellement grande qu'ils préfèrent risquer une hypoglycémie ou une hyperglycémie souvent meurtrières. «Le malade est fautif, mais la famille du malade l'est tout autant. Le malheureux diabétique pense qu'il peut tenir le coup, mais lorsqu'il fait une hypoglycémie, il est presque trop tard pour lui. Généralement, un membre de sa famille accourt à son chevet pour lui donner quelque chose à manger afin de stabiliser sa glycémie. Ce parent-là, au lieu de jouer l'ambulancier, devrait convaincre son malade de ne pas jeûner pour éviter ce genre d'accident qui, il faut le reconnaître, mette toute la famille dans la tourmente», renchérit notre médecin, qui fustige les familles des patients «récidivistes», c'est-à-dire ceux qui «font trois à quatre hypoglycémies par semaine par ce qu'ils sont peu regardants concernant leur santé».