Résumé de la 1re partie n Ida est la plus jolie fille de la région et elle le sait. Elle épouse Walter, un gaillard qui l'admire comme un bêta… Walter est passionné de chevalerie, et c'est sans doute la raison qui l'a poussé à habiter ce joli quartier de Landshut, aux maisons anciennes, aux rues pavées, où l'on s'attend la nuit à entendre la voix du chevalier du guet faisant sa ronde, en criant : «Dormez en paix, bonnes gens, il est quatre heures...» L'aube se lève, il est quatre heures du matin, une belle journée de juin s'annonce, quelques traînées de brume blanchâtre s'effilochent sur les toits, et un pas résonne sur les pavés. Un pas léger, de plus en plus léger, qui tente de se faire silencieux. Ida lève un visage inquiet vers la façade de la maison où une fenêtre est éclairée. La seule fenêtre derrière laquelle brille encore une faible lumière. Elle le devine, assis dans son fauteuil, aux aguets, son grand corps fatigué par une nuit de veille écrasant le dossier de tapisserie, sa grande main posée sur l'accoudoir de bois, inquiet, désespéré sûrement. Le rideau de la fenêtre bouge, il a dû entendre son pas. Il doit se pencher à la fenêtre basse pour apercevoir la silhouette de sa jolie femme rasant les murs. Elle a couru dans la nuit tiède, elle a chaud, sa lourde chevelure brune ruisselle sur ses épaules nues, la robe bleue voltige sur ses longues jambes, ses hanches rondes, enserre sa taille. Son cœur bat plus vite et fait palpiter le décolleté, la gorge blanche... Elle monte l'escalier, pieds nus. Dans quel espoir ? Puisqu'il est là derrière cette porte. Mais elle ne l'entend pas. Peut-être est-il allé se coucher, pour ne pas écouter de nouveaux mensonges. Elle lui en a tant raconté. Des heures supplémentaires, une amie d'enfance, une histoire de famille, un talon cassé, un tramway raté… Ida ouvre la porte, doucement, ses chaussures à la main, glisse dans le couloir, met sa petite oreille contre la porte du salon-bibliothèque. Et la porte s'ouvre. La haute silhouette de son chevalier de mari s'y encadre, un mètre quatre-vingt-cinq, quatre-vingts kilos de muscles parfaits. Il penche sur elle sa tête blonde et bouclée, son regard est triste. Elle est si belle sa femme, essoufflée, il est si ravissant ce diable qu'elle a dans le corps. Et ce doit être si difficile... de porter toute cette beauté, à vingt et un ans, de l'assumer face au regard des hommes, à leur admiration permanente. «Je savais que tu m'attendais, dit-elle, j'ai vu la lumière...» Il attend, il espère inconsciemment qu'elle va mentir. Durant des mois il s'est montré d'une crédulité incroyable, d'une confiance aveugle. Il a fallu que de bonnes âmes lui ouvrent les yeux. De bonnes âmes en salopette, sur le chantier : «Tu ferais bien de l'attacher un peu ta femme... Un jour elle va s'envoler... — Tu sais qui j'ai vu avec Johann, hier à la taverne ? Devine... — Hé Walter... sors de tes bouquins, chevalier... On n'est plus au Moyen Age... T'as pensé à la ceinture de chasteté ?...» Va-t-elle mentir ? Les sauver tous les deux encore une fois ? Hélas, les magnifiques yeux bleu marine se remplissent de larmes, Ida baisse la tête. «Je t'ai fait de la peine, hein ? — Oui. — Je m'en doute. Tu vois, j'ai recommencé. C'est plus fort que moi, je n'ai pas pu résister. Tu veux savoir ? — Non.» (à suivre...)