Résumé de la 3e partie n Ida a fait son dernier faux pas. Elle sait qu'elle va mourir et s'y prépare. Ida continue sa dernière lettre : «Il sait, que ce soit lui ou un autre, que je rendrais malheureux n'importe quel homme, et que je serais malheureuse aussi. La tentation est trop forte, je ne peux résister à l'amour des autres, à leur passion charnelle. C'est comme une maladie et je ne pourrais pas vivre dans le mensonge. Je mens, c'est une manie, jusqu'au jour où je déteste ces mensonges. J'aime Walter, il m'aime, ma mort est la seule solution.» Ida signe. Date. Plie les lettres dans des enveloppes, inscrit les adresses et attend, seule devant ce miroir qui la reflète jusqu'à l'ivresse. «Tu peux venir, Ida, le souper est prêt.» Ida rejoint son mari, lui tend les deux lettres. «Pour ma mère et ma sœur. Tu pourras les poster, Walter ?» Walter met les lettres sur une étagère de la bibliothèque où sont alignés ses beaux livres. Il les caresse un instant, puis vient s'asseoir en face de sa femme. Ida est habituée au silence de Walter. Il a toujours été taciturne, presque muet. Lorsqu'ils se sont rencontrés il y a trois ans, dans ce bal, les filles n'avaient d'yeux que pour lui, il était beau et fort, ni brillant ni prétentieux, et pourtant elles ne voyaient que lui. C'est pour cela peut-être qu'Ida a épousé Walter. Parce qu'elle avait le sentiment qu'elle pourrait faire de ce grand corps naïf et pur ce qu'elle voulait. Puis elle s'est mise à l'aimer, et il a donc été heureux quelque temps. Six mois environ. Le soir, il lisait ses précieux romans de chevalerie et Ida essayait de jouer à la jeune épouse sage. Elle reprisait les chaussettes, pliait les torchons, repassait les bleus de travail. Puis elle s'est ennuyée. Elle voulait sortir, retrouver le monde, ce miroir magique. Mais Walter bâillait dans les bals, s'endormait dans les tavernes. Alors, elle a saisi tous les prétextes pour sortir sans lui et il y a cru. Peut-être y croirait-il encore s'il n'y avait pas eu les bonnes âmes ? Un chevalier, est-il écrit dans ses livres d'histoire, se doit d'abord au culte et à l'adoration de la dame, fondement principaI de la chevalerie... Le culte et l'adoration que Walter manifeste pour Ida ne peuvent s'accommoder de mensonges et de tromperies. C'est pourquoi, une dernière fois, il tend le papier à la dame de son cœur, et Ida le relit : «Je soussignée, Ida Wilckens, née Goldbrunner, autorise mon mari, Walter Wilckons, à me donner la mort quand il le voudra, par tous les moyens qu'il jugera bons, si je lui suis encore une fois infidèle. Fait à Landshut, Bavière, le 9 juin 1961.» Et sa signature. Un joli paraphe un peu fou et aérien. Celui d'une femme infidèle qui promet toujours et ne tient pas ses promesses. Le jour est complètement levé lorsque Walter, ayant vidé son dernier verre de vin, se lève et regarde Ida dans les yeux. Elle est très calme, elle ne pleure pas, elle se contente de demander : «Maintenant ? — Oui. Maintenant. — Je vais ranger d'abord. — Non, laisse, je le ferai moi-même. — Où allons-nous ? — Sur le lit.» Le lit, un grand lit très bas, avec un dessus de peluche blanche et des coussins bleus. C'est là qu'elle est la plus belle. C'est là qu'ils ont été heureux souvent. Sont-ils heureux, en ce matin d'exécution, alors qu'ils s'allongent l'un près de l'autre sur le grand lit blanc ? Lui si grand, elle si petite. Lui si blond, elle si brune. Il faut tenir compte de leur logique, de leur engagement réciproque, de la chevalerie et de ses règles. Ils ont mûrement réfléchi cet acte, ils doivent s'y tenir, l'accomplir. C'est ainsi. Peut-être l'envisagent-ils tous les deux comme un acte libérateur, désintéressé, pur et beau... (à suivre...)