Résumé de la 6e partie n La soirée continue chez la favorite de l'émir des Croyants, qui est tombée amoureuse du prince Ali Ben Bekar. Schamsennahar continua son chant : «O mon cœur ! tu t'égares dans les replis délicieux d'une chair de pierreries ! Prends garde ! l'amour te guette et ses flèches sont prêtes !» Lorsque Ali ben-Bekar et Abalhassan ben-Tâher eurent entendu ce chant de Schamsennahar ils faillirent s'envoler d'extase ; puis ils se trémoussèrent de plaisir et poussèrent des «Allah !» d'une profondeur inaccoutumée ; puis ils rirent et pleurèrent ; et le prince Ali, à la limite de l'émotion, saisit un luth et le donna à Abalhassan en le priant de l'accompagner dans ce qu'il allait chanter. Alors il ferma les yeux et, la tête penchée et appuyée sur la main, à mi-voix il chanta ce chant de son pays : «Ecoute, ô échanson ! Il est si beau l'objet que j'aime que si j'étais le maître de toutes les cites je lui en ferais don sur l'heure pour seulement une fois toucher de mes lèvres la goutte de beauté sur sa joue ennemie ! «Son visage est si beau qu'en vérité le grain de beauté est lui-même de trop ! Car ce visage est déjà si beau de sa propre beauté que ni roses ni velours d'un jeune duvet n'y ajouteraient un charme nouveau !» Et cela fut dit par le prince Ali ben Bekar d'une voix tout à fait admirable ! Or, juste au moment où s'éteignait ce chant, la jeune esclave favorite de Schamsennahar accourut tremblante et effarée et dit à Schamsennahar : «O ma maîtresse, Massrour et Afif et d'autres eunuques du palais sont à la porte et demandent à te parler !» A ces paroles, le prince Ali et Abalhassan et toutes les esclaves furent extrêmement émus et tremblèrent même pour leur vie. Mais Schamsennahar, qui seule était restée calme, eut un sourire tranquille et leur dit à tous : «Rassurez-vous et laissez-moi faire !» Puis elle dit à sa confidente : «Va entretenir Massrour et Afif et les autres en leur disant de nous donner le temps de les recevoir selon leur rang !» Alors elle ordonna à ses esclaves de fermer toutes les portes de la salle et de clore soigneusement les grands rideaux. Cela fait, elle invita le prince Ali et Abalhassan à ne plus bouger de la salle et à n'avoir aucune crainte ; puis, suivie de toutes les chanteuses, elle sortit de la salle par la porte qui donnait sur le jardin et qu'elle fit refermer derrière elle ; et elle alla, sous les arbres, s'asseoir sur son trône qu'elle avait pris soin d'y faire transporter. Là elle prit une pose langoureuse, ordonna à l'une des jeunes filles de lui masser les jambes et aux autres de se retirer plus loin, tandis qu'elle dépêchait une jeune négresse pour aller ouvrir la porte d'entrée à Massrour et aux autres. Alors Massrour et Afif et vingt eunuques, l'épée nue à la main et la taille entourée du large ceinturon, s'avancèrent et, du plus loin qu'ils purent, se courbèrent jusqu'à terre et saluèrent la favorite avec les plus grandes marques de respect. Et Schamsennahar dit : «O Massrour, fasse Allah que tu sois porteur de bonnes nouvelles !» Et Massrour répondit : «Incha Allah ô ma maîtresse !» Puis il s'approcha du trône de la favorite et lui dit : «L'émir des Croyants t'envoie ses souhaits de paix et te dit qu'il désire ardemment ta vue ! Et il te fait savoir que cette journée s'est annoncée pour lui pleine de joie et bénie entre toutes ; et il veut la terminer près de toi pour qu'elle soit complètement admirable. Mais il voudrait d'abord connaître ton sentiment à ce sujet et si tu aimes mieux aller toi-même au palais ou le recevoir plutôt chez toi, ici même !» A ces paroles, la belle Schamsennahar se leva et se prosterna et embrassa la terre pour marquer qu'elle considérait le désir du khalife comme un ordre, et répondit : «Je suis l'esclave soumise et heureuse de l'émir des Croyants. Je te prie donc, ô Massrour, de dire à notre maître combien je suis dans la félicité de le recevoir et combien ce palais sera illuminé de sa venue !» (à suivre...)