Résumé de la 5e partie n C'est la passion entre Schamsennahar et Ali ben Bekar. Mais la favorite de l'émir des Croyants est triste de ne pas être libre. Alors Schamsennahar invita Abalhassan à s'asseoir en face d'eux, devant les plats d'or ciselés où s'arrondissaient les fruits et mûrissaient les pâtisseries. Et de ses propres doigts, la favorite se mit à confectionner des bouchées de chaque plat, et elle les mettait elle-même entre les lèvres de son ami Ali ben Bekar. Et elle n'oubliait pas non plus Abalhassan ben Tâher. Et lorsqu'ils eurent mangé, on enleva les plateaux d'or et on apporta une fine aiguière d'or dans un bassin d'argent ciselé ; et ils se lavèrent les mains avec l'eau parfumée qu'on leur en versait. Après quoi, ils s'assirent de nouveau et les jeunes négresses leur présentèrent des coupes d'agate colorée, posées sur des soucoupes de vermeil et pleines d'un vin exquis dont le seul aspect réjouissait les yeux et dilatait l'âme. Et ils en burent lentement en se regardant longuement ; et, une fois les coupes vides, Schamsennahar renvoya toutes ses esclaves, ne gardant auprès d'elle que les chanteuses et les joueuses d'instruments. Alors, comme elle se sentait tout à fait disposée à chanter, Schamsennahar commanda à l'une des chanteuses de préluder d'abord, pour donner le ton, et la chanteuse accorda aussitôt son luth et chanta doucement : «Mon âme, tu t'épuises ! Les mains de l'amour t'ont retournée en tous sens et ont jeté à tous les vents ton mystère. «Mon âme ! Je te gardais délicatement sous la tiédeur de mes côtes, et tu t'échappes pour courir à celui qui cause mes souffrances ! «Coulez, mes larmes ! Ah! vous vous échappez de mes paupières vers le cruel ! Larmes passionnées, vous aussi vous êtes amoureuses de mon bien-aimé !» Alors Schamsennahar tendit le bras et remplit une coupe et la but à moitié et l'offrit au prince Ali qui la prit et qui but, les lèvres posées à l'endroit même qu'avaient touché les lèvres de son amie... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. Le soir venu, elle reprit son récit. Elle dit : ... et qui but, les lèvres posées à l'endroit même qu'avaient touché les lèvres de son amie, tandis que les cordes des instruments frémissaient amoureusement sous les doigts des joueuses. Et Schamsennahar fit encore un signe à l'une d'elles pour demander que quelque chose fût chanté sur un ton un peu plus bas. Et la jeune esclave, en sourdine, murmura : «Si... mes joues sans cesse sont arrosées par la liqueur de mes yeux «Si... la coupe où trempent mes lèvres est remplie de mes larmes plus encore que du vin de l'échanson, «Par Allah, ô mon cœur, abreuve-toi quand même à cette liqueur mélangée ! Elle fera rentrer en toi le surplus de mon âme qui s'échappe de mes yeux !» A ce moment, Schamsennahar se sentit complètement grisée par les notes émues des chansons et, prenant un luth des mains de l'une des femmes assises derrière elle, elle ferma les yeux à demi et de toute son âme elle chanta ces strophes admirables : «O lumière de ses yeux ! ô beauté d'une gazelle adolescente ! Si tu t'éloignes, je meurs ; si tu t'approches, je me grise ! Ainsi je vis en brûlant et je m'éteins en jouissant. «Du souffle de ton haleine l'odorante brise est née ; et les soirs du désert en sont encore embaumés, les soirs tièdes sous les palmes joyeuses ! «Attention ! ô brise amoureuse de son contact aimé ! Je jalouse le baiser que tu prends sur le sourire de son menton et les fossettes de ses joues. Car ta caresse est un délice tel que toute sa chair en frissonne. «Jasmins de son ventre aromatique sous le vêtement très léger, jasmins de sa peau douce et lactée comme une pierre de lune ! Salive ! ô salive que j'aime de sa bouche, boutons en fleurs de ses lèvres roses ! Ah ! les joues moites et les yeux clos après les étreintes !» (à suivre...)