Et elles la poussèrent hors de la pièce. Aïcha courut à son appentis, servit le souper à la poupée et lui dit en pleurant : ? Petite poupée, mange et écoute ma peine ! On me dit d?aller chez Baba-Yaga. Elle va me dévorer. ? Ne crains rien, lui répondit la poupée. Prends-moi avec toi et va tranquillement où l?on t?envoie. Tant que je suis là, rien ne peut t?arriver. Aïcha mit sa poupée dans sa poche et s?en alla dans la forêt obscure. Elle cheminait depuis quelque temps en tremblant quand un cavalier la dépassa : tout blanc, de blanc vêtu et monté sur un cheval blanc, harnaché de blanc. Aussitôt le ciel devint plus clair. Elle poursuivit son chemin et vit un autre cavalier ; tout rouge, vêtu de rouge et monté sur un cheval rouge, harnaché de rouge. Et le soleil se leva. Ce n?est qu?au soir tombant que Aïcha atteignit la clairière où vivait Baba-Yaga. La clôture de sa maison, était faite d?ossements ; des crânes avec des yeux ornaient cette clôture, comme montant de portails des jambes humaines, pour loquets des bras avec des mains, et en guise de cadenas, une bouche avec des dents pointues. La pauvre jeune fille trembla comme une feuille en voyant cela, quand un cavalier arriva : tout noir, de noir vêtu et monté sur un cheval noir harnaché de noir. Aussitôt, la nuit tomba et les yeux des crânes s?allumèrent, si bien qu?on y voyait comme en plein jour. Aïcha aurait voulu se sauver, mais la peur la clouait sur place. Tout à coup il se fit grand nuit dans la forêt : les branches craquaient, les feuilles crissaient. Et déboucha dans la clairière Baba-Yaga, la vieille sorcière. Elle voyage dans un mortier, le pousse du pilon, efface sa trace du balai. Le mortier s?arrêta devant le portail. Baba-Yaga huma l?air et s?écria : ? ça sent la chair fraîche, par ici ! Qui est-ce ? Toute tremblante, Aïcha s?approcha en saluant bas : ? C?est moi, grand-mère. Les filles de ma marâtre m?ont envoyée chez toi, te demander du feu. ? C?est bon, je les connais, dit Baba-Yaga. Tu vas rester ici et me servir. Si le travail est bien fait, je te donnerai du feu, autrement je te mangerai ! Baba-Yaga se tourna vers le portail et cria : ? Déverrouillez-vous, cadenas résistants large portail, ouvre-toi ! Le portail s?ouvrit et Baba-Yaga roula dans la cour en sifflotant. Aïcha la suivit. Et le portail se referma. Une fois dans la maison, Baba-Yaga s?affala sur un banc et ordonna à Aïcha : ? Sers-moi à manger tout ce qui est au four ! Et dépêche-toi, j?ai faim ! Aïcha se mit à la servir. Pâtés et rôtis, tartes et tourtes, soupes. Elle tira du cellier de quoi boire et manger pour dix ! Baba-Yaga mangea et but le tout elle ne laissa pour Aïcha qu?un quignon de pain, un peu de soupe et un bout de rôti. Puis elle dit : Demain, après mon départ, tu balayeras la cour, nettoieras la maison, prépareras le dîner, rangeras le linge. Après ça, tu prendras dans la huche un boisseau de blé que tu vas trier grain par grain. Et tâche que tout soit bien fait, sinon je te mange ! Elle se coucha et se mit à ronfler. Aïcha mit devant sa poupée les restes du souper de Baba-Yaga et lui dit en pleurant : ? Petite poupée, mange et écoute ma peine ! Si je ne fais pas tout ce travail, Baba-Yaga va me manger ! ? Ne crains rien, lui répondit la poupée. Va dormir tranquille, le matin est plus sage que le soir ! (à suivre...)