Résumé de la 14e partie n Abalhassan sert d'intermédiaire entre le prince Ali et Schamsennahar. Il lui amène la servante de celle-ci, porteuse d'une missive. Et cela fut fait d'une façon parfaite et ben Bekar voulut que le sens général de cette lettre fût ceci : «Si la douleur était absente des amours, les amants n'éprouveraient guère de délices à s'écrire !» Et il recommanda à la confidente, avant qu'elle n'eût pris congé, de raconter à sa maîtresse tout ce qu'elle avait vu de sa douleur. Après quoi il lui remit sa réponse en l'arrosant de ses larmes ; et la confidente fut tellement touchée qu'elle aussi se mit notoirement à pleurer et se retira enfin en lui souhaitant la paix du cœur. Et Abalhassan sortit également pour accompagner la confidente dans la rue ; et il ne la quitta que devant sa boutique où il lui fit ses adieux, et il retourna dans sa maison. Or, Abalhassan, en arrivant à sa maison, se mit pour la première fois à réfléchir sur la situation et se parla de la sorte à lui-même, en s'asseyant sur le divan : «O Abalhassan, tu vois bien que la chose commence à devenir fort grave ! Qu'adviendrait-il si l'affaire venait à être connue du khalife ? Ya Allah ! qu'adviendrait-il ? Certes, j'aime tant ben Bekar que je suis prêt à enlever un de mes yeux pour le lui donner ! Mais, Abalhassan tu as une famille, une mère, des sœurs et des petits frères ! Dans quelles infortunes ne seront-ils pas par ton imprudence ? En vérité, cela ne peut longtemps durer de la sorte ! Dès demain j'irai retrouver ben Bekar et je tâcherai de l'arracher à cet amour aux conséquences déplorables ! S'il ne m'écoute pas, Allah m'inspirera la conduite à tenir !» Et AbaIhassan, la poitrine rétrécie de ses pensées, ne manqua pas, dès le matin, d'aller retrouver son ami ben Bekar. Il lui souhaita la paix et lui demanda : «Ya Ali, comment vas-tu ?» Il répondit : «Plus mal que jamais !» Et Abalhassan lui dit : «Vraiment, de ma vie je n'ai encore vu ni entendu parler d'une aventure pareille à la tienne, ni connu un amoureux aussi étrange que toi ! Tu sais que Schamsennahar t'aime autant que tu l'aimes, et, malgré cette assurance, tu souffres et ton état s'aggrave de jour en jour ! Que serait-ce alors si celle que tu aimes tant ne partageait pas ton affection et si, au lieu d'être sincère dans son amour, elle était comme la plupart des femmes amoureuses qui aiment avant tout le mensonge et les ruses de l'intrigue ? Mais surtout, ô Ali, songe aux malheurs qui s'abattraient sur nos têtes si cette intrigue venait à être connue du khalife ? Or, il n'y aurait vraiment rien d'improbable à ce que cela arrivât, car les allées et venues de la confidente vont éveiller l'attention des eunuques et la curiosité des esclaves : et alors Allah seul pourra savoir l'étendue de notre calamité à tous ! Crois-moi, ô Ali, en persistant dans cet amour sans porte de sortie, tu t'exposes à te perdre, toi d'abord, et Schamsennahar avec toi ! Je ne parle pas de moi, qui sûrement serais effacé, en un clin d'œil, du nombre des vivants, ainsi que toute ma famille !» Mais ben Bekar, tout en remerciant son ami de ce conseil, lui déclara que sa volonté n'était plus sous sa dépendance et que, d'ailleurs, en dépit de tous les malheurs qui pourraient lui arriver, jamais il ne se résoudrait à se ménager alors que Schamsennahar ne craignait pas d'exposer sa vie par amour pour lui ! Alors Abalhassan, voyant que toutes les paroles seraient vaines désormais, prit congé de son ami et reprit le chemin de sa maison, en proie à ses préoccupations pour l'avenir. Or, Abalhassan avait, parmi les amis qui le venaient voir le plus souvent, un jeune joaillier fort gentil, nommé Amin, et dont il avait pu souvent apprécier la discrétion. Et justement ce jeune joaillier vint en visite au moment même où, accoudé sur les coussins, Abalhassan était plongé dans la perplexité. Aussi, après les salams, il s'assit à côté de lui sur le divan et, comme il était le seul à être un peu au courant de cette intrigue amoureuse, il lui demanda : «O Abalhassan, où en sont les amours d'Ali ben Bekar et de Schamsennahar ?» (à suivre...)