Aïcha se leva avant l?aube, mais Baba-Yaga était déjà debout. Bientôt les yeux des crânes s?éteignirent. Passa le cavalier blanc et le jour se leva. Baba-Yaga sortit dans la cour et siffla, aussitôt le mortier vint se ranger devant elle, avec le pilon et le balai. Le cavalier rouge passa et le soleil apparut. Baba-Yaga monta dans son équipage et fila bon train. Elle voyagea dans un mortier, le poussa du pilon et effaça sa trace du balai... Restée seule, Aïcha fit le tour de la maison, admira la richesse et l?abondance en se demandant par quel bout commencer le travail, quand elle vit que tout était déjà fait, la poupée triait les derniers grains de blé. Aïcha l?embrassa : ?Comment te remercier, ma poupée chérie ! Tu m?as sauvé la vie. La poupée grimpa dans sa poche en disant : ?Tu n?as plus que le dîner à préparer. Puis repose-toi. Au soir tombant, Aïcha mit la table. Bientôt, le cavalier noir passa et la nuit tomba. Les yeux des crânes s?allumèrent, on entendit les branches craquer, les feuilles crisser, c?est Baba-Yaga qui arrivait. Aïcha sortit à sa rencontre. ?Le travail est-il fait ? demanda Baba-Yaga. ?Vois par toi-même, grand-mère, répondit la jeune fille. Baba-Yaga inspecta tout, regarda partout sans trouver rien à redire. Elle grogna : «Bon ça peut aller?», puis appela : ?Fidèles serviteurs, mes amis de cour, venez moudre mon blé ! Alors trois paires de bras apparurent, emportant le grain hors de la vue. Baba-Yaga dîna et se coucha en disant : ?Demain, en plus de tout ce que tu as fait aujourd?hui, tu vas trier un boisseau de graines de pavot, de la terre s?y est mêlée. Tâche qu?il n?en reste pas trace, sinon je te mangerai ! Elle se mit vite à ronfler. Aïcha servit sa poupée, qui mangea, et lui dit comme la veille : ?Va dormir tranquille, tout sera fait, Aïcha chérie. Le matin est plus sage que le soir ! Le lendemain Baba-Yaga partit, et Aïcha et sa poupée firent l?ouvrage en un tournemain. A son retour, Baba-Yaga inspecta tout, regarda dans tous les recoins, ne trouva rien à redire. Elle appela : ?Fidèles serviteurs, mes amis de cour, venez presser l?huile de mes graines de pavot ! Trois paires de bras apparurent, emportant les graines hors de la vue. Baba-Yaga s?attabla pour dîner. Aïcha la servit en silence et la sorcière grommela : ?Pourquoi ne dis-tu rien ? Tu es là, comme une muette ! ?C?est que je n?osais pas, grand-mère ! Mais si tu le permets, je voudrais bien te demander quelque chose. ?Demande ! Mais toute question n?est pas bonne à poser. D?en savoir trop long, on vieillit trop vite ! ?Je voudrais que tu m?expliques ce que j?ai vu, grand-mère. En venant chez toi, un cavalier blanc m?a croisée. Qui est-il ? ?C?est mon jour clair, répondit Baba- Yaga. ?Après ça j?ai vu un cavalier tout rouge, qui est-ce ? ?C?est mon soleil ardent. ?Et puis j?ai vu un cavalier tout noir, qui est-ce ? ?C?est ma sombre nuit, répondit Baba- Yaga. Tous trois sont mes serviteurs fidèles ! Aïcha pensait aux trois paires de bras, mais n?en souffla mot. Baba-Yaga lui dit : ?Eh bien, tu ne poses plus de questions ? ?J?en sais bien suffisamment pour moi ! Tu l?as dit toi-même, à trop savoir, on vieillit vite. (à suivre...)