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Au coin de la cheminée
Histoire d'Ali Ben-Bekar et de la belle Schamsennahar (29e partie)
Publié dans Info Soir le 23 - 11 - 2006

Résumé de la 28e partie n Pour échapper aux foudres de l'émir des Croyants, Amin et le prince Ali s'enfuient. A proximité d'une oasis, agressés et dépouillés de tous leurs biens, ils sont recueillis par un vieillard.
Et alors, du loin, venant avec la brise qui soufflait dans l'oasis à travers les palmiers, une voix de quelque pauvresse se fit entendre qui chantait plaintivement ces vers tristes : «Je pleurais en voyant s'approcher la fin de ma jeunesse ! Mais j'étanchai bientôt ces larmes pour ne pleurer plus que la séparation de l'ami !
«Si le moment de la mort est amer à mon âme, ce n'est point qu'il soit dur de quitter une vie d'alarmes, mais c'est de m'en aller loin des yeux de l'ami !
«Ah si j'avais su que le moment des adieux fût si proche et que je serais pour toujours privé de mon ami, j'aurais emporté avec moi, comme provision du chemin, un peu du contact de ses yeux adorés !» Or, à peine Ali ben Bekar avait-il commencé à entendre ce chant qu'il releva la tête et se mit à écouter, hors de lui. Et quand la voix se fut éteinte, nous le vîmes soudain retomber en poussant un grand soupir : il avait expiré...
A ce moment de sa narration, Schahrazade, voyant apparaître le matin, se tut discrètement. La nuit venue, elle reprit : ... nous le vîmes soudain retomber en poussant un grand soupir : il avait expiré. A cette vue, le vieillard et moi nous éclatâmes en sanglots et nous restâmes ainsi toute la nuit ; et je racontai, à travers mes larmes, cette triste histoire au vieillard. Puis au matin, je le priai de vouloir bien garder le corps en dépôt jusqu'à ce que les parents, avertis par moi, vinssent le chercher. Et je pris congé de cet homme bon et me rendis en toute rapidité à Bagdad, en profitant du départ d'une caravane qui s'y dirigeait. Et j'allai directement, sans prendre le temps de changer d'habits, à la maison de ben-Bekar, où je me présentai devant sa mère à qui je souhaitai la paix tristement.
Lorsque la mère de ben-Bekar me vit arriver seul, sans son fils, et qu'elle remarqua mon air attristé, elle se mit à trembler de pressentiment. Et je lui dis : «Allah, ô vénérable mère d'Ali, commande et la créature ne peut que se soumettre ! Et quand la lettre d'appel a été écrite à une âme, cette âme doit, sans différer, se présenter devant son maître !»
A ces paroles, la mère d'Ali poussa un cri d'une douleur déchirante et me dit, en tombant le visage contre terre : «O calamité ! Mon fils serait-il mort ?»
Alors moi, je baissai les yeux et ne pus prononcer un mot. Et je vis la pauvre mère, étouffée par les sanglots, s'évanouir complètement. Et moi, je me mis à pleurer toutes les larmes de mon cœur, tandis que les femmes remplissaient la maison de cris épouvantables. Lorsque la mère d'Ali put enfin m'entendre, je lui racontai les détails de la mort et je lui dis : «Qu'Allah reconnaisse l'étendue de tes mérites, ô mère d'Ali, et t'en rémunère par Ses bienfaits et Sa miséricorde !»
Alors elle me demanda : «Mais ne t'a-t-il pas fait quelques recommandations à transmettre à sa mère ?»
Je répondis : «Mais certainement ! Il m'a chargé de te dire que son seul souhait était que tu fasses transporter son corps à Bagdad !»
Alors elle se remit à fondre en larmes, en se déchirant les vêtements et me répondit qu'elle allait tout de suite se rendre dans l'oasis avec une caravane pour ramener le corps de son fils.
Et de fait, quelques instants après, je les laissai tous à leurs préparatifs de départ et je regagnai mon domicile en pensant en mon âme : «O Ali ben Bekar, malheureux amant, quel dommage que ta jeunesse ait été fauchée dans sa floraison si belle !»
Et j'arrivai chez moi de la sorte et je mis la main à ma poche pour en retirer la clef de la porte quand je me sentis doucement toucher le bras, et je me retournai et j'aperçus, vêtue d'habits de deuil et le visage bien triste, la jeune confidente de Schamsennahar. Alors je voulus m'enfuir ; mais elle m'arrêta et me força à entrer avec elle dans ma maison. Alors moi, malgré tout, je me mis, sans savoir encore rien, à pleurer avec elle énormément. Puis je lui dis : «As-tu alors appris la triste nouvelle ?»
Elle me répondit : «Laquelle, ya Amin ?»
Je lui dis : «La mort d'Ali ben Bekar !»
Et, comme je la voyais pleurer davantage, je compris qu'elle n'en savait encore rien, et je la mis au courant, tout en poussant, de concert avec elle, de gros soupirs. (à suivre...)


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