Résumé de la 29e partie n Le prince Ali meurt de chagrin. Amin se charge d'apprendre la nouvelle à sa mère. Alors qu'il rentre chez lui, la confidente de Schamsennahar lui rend visite. Lorsque j'eus fini, elle me dit à son tour : «Et toi, ya Amin, je vois bien que tu ne connais guère mon malheur !» Et je m'écriai : «Schamsennahar aurait-elle été mise à mort par ordre du khalife ?» Elle répondit : «Schamsennahar est morte, mais non point comme tu pourrais le supposer ! O ma maîtresse !» Puis elle s'interrompit pour pleurer encore un peu, et me dit enfin : écoute donc, Amin ! Lorsque Schamsennahar, accompagnée par les vingt eunuques, fut arrivée en présence du khalife, le khalife, d'un signe renvoya tous ceux-là, puis s'approcha lui-même de Schamsennahar et la fit s'asseoir à côté de lui et, d'une voix empreinte d'une bonté admirable, lui dit : «O Schamsennahar, je sais que tu as des ennemis dans mon palais et ces ennemis ont essayé de te nuire dans mon esprit en déformant tes actes et en me les présentant sous un aspect indigne de moi et de toi ! Sache bien que je t'aime plus que jamais, et, pour le mieux prouver à tout le palais, j'ai donné des ordres pour faire augmenter ton train de maison et le nombre de tes esclaves et tes dépenses ! Je te prie donc de ne plus garder cet air affligé qui m'afflige moi-même ! Et pour t'aider à te distraire, je vais tout de suite faire venir les chanteuses de mon palais et les plateaux chargés de fruits et de boissons !» Et aussitôt entrèrent les joueuses d'instruments et les chanteuses ; et les esclaves arrivèrent chargés des grands plateaux pesants de tout ce qu'ils contenaient. Et lorsque tout fut prêt, le khalife, assis à côté de Schamsennahar, qui se sentait de plus en plus faible malgré tant de bonté, ordonna aux chanteuses de préluder. Alors l'une d'elles, au son des luths maniés par les doigts de ses compagnes, commença ce chant : «O larmes, vous trahissez les secrets de mon âme, et m'empêchez de garder pour moi seule une douleur cultivée en silence ! J'ai perdu l'ami qu'aimait mon cœur...» Mais tout d'un coup, avant que la strophe chantée n'eût pris fin, Schamsennahar poussa un faible soupir et tomba à la renverse. Et le khalife, affecté à l'extrême, se pencha vivement vers elle, la croyant seulement évanouie ; mais il la releva morte ! Alors il jeta loin de lui la coupe qu'il tenait et renversa les plateaux et, comme nous poussions des cris effroyables, il nous fit toutes partir, après nous avoir ordonné de briser les luths et les guitares du festin ; et il ne garda que moi seule dans la salle. Il prit alors Schamsennahar sur ses genoux et se mit à pleurer sur elle toute la nuit, en m'ordonnant de ne laisser entrer personne dans la salle. Le lendemain matin, le khalife confia le corps aux pleureuses et aux laveuses et donna l'ordre de faire à sa favorite des funérailles de femme légitime, et plus belles. Après quoi, il alla s'enfermer dans ses appartements. Et depuis, nul ne le revit dans la salle de justice ! Alors moi, après avoir encore pleuré avec la jeune fille, la mort des deux amants, je me mis d'accord avec elle en vue de faire enterrer Ali ben Bekar à côté de Schamsennahar. Et nous attendîmes le retour du corps que la mère était allée chercher dans l'oasis et nous lui fîmes de belles funérailles, et nous réussîmes à le faire mettre en terre à côté du tombeau de Schamsennahar ! Et depuis lors, ni moi ni la jeune fille, qui devint mon épouse, nous ne cessâmes d'aller visiter les deux tombeaux pour pleurer sur les amants dont nous avions été les amis ! «Et telle est, ô Roi fortuné, continua Schahrazade, I'histoire touchante de Schamsennahar, la favorite du khalife Haroun Al-Rachid !» A ce moment, la petite Doniazade ne put se tenir plus longtemps et éclata en sanglots, en enfouissant sa tête dans les tapis. Et le roi Schahriar dit : «O Schahrazade, cette histoire m'a bien attristé !» Alors Schahrazade dit : «Oui, ô Roi ! Aussi t'ai-je raconté cette histoire, qui n'est pas de la même espèce que les autres, à cause surtout des vers admirables qu'elle contient et principalement pour te mieux disposer à toute la joie que ne manquera pas de te procurer celle dont je me dispose à te faire le récit, si tu veux bien me le permettre !» Et le roi Schahriar s'écria : «Oui, ô Schahrazade, fais-moi oublier ma tristesse et dis-moi vite le titre de l'histoire que tu me promets !» Et Schahrazade dit… «C'est une histoire féerique.» Et la petite Doniazade s'écria, en relevant la tête : «O ma sœur Schahrazade, que tu serais gentille de nous la commencer tout de suite !» Mais Schahrazade dit : «De tout cœur amical et comme hommages dus à ce Roi bien élevé et doué de bonnes manières ! Mais ce sera pour la nuit prochaine seulement !» Et, comme elle voyait apparaître le matin, Schahrazade, discrète comme elle était, se tut.